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#INAUGURATION « Il y a plusieurs Islam » et pareil pour l’UE. Contre l’unité. Pour l’ascèse du blasphème / "There are several Islam" as well several EU. Against the unit. For an asceticism of the blasphemy.

Épilogue du Carnet de septembre en 2012.

vendredi 21 septembre 2012, par Louise Desrenards

ÉLOGE DU BLASPHÈME /

Afficher la multiplicité de l’Islam c’est autant combattre pour la diversité vitale du monde comme multitude (et là nous citons aussi bien les series de Fourrier que la multitude chez Spinoza), que combattre l’amalgame raciste contre les populations qui se revendiquent musulmanes, que ce soit individuellement, en communauté, ou en masse. Il y a la pensée mystique (qui ne se discute pas, ne concernant que la quête d’absolu de celui qui s’y adonne), et la pauvreté (qui malheureusement se discute mais peut se résoudre), qui par des voies différentes instruisent les religions, mais la pauvreté fait le lit des dogmes intégristes de masse et de leur domination liberticide, quand tout sauf la religion manque à la vie. Soit, rien n’est plus facile que reconnaître cela pour s’entendre. Mais c’est insuffisant, car ce n’est pas un carton vert attribué à une faiblesse que dire qu’une situation de force réagit à une oppression de force.

Qu’est-ce que la laïcité ? En tous cas cela ne pourrait être une tautologie à partir du moment où on en fait la guerre. Et pourtant...

C’est peut-être plus simple à raisonner qu’on ne le croit. D’abord, il faut situer une extériorité de la religion par rapport aux communautés qui s’en représentent ou les représentent, car il existe divers savoirs autodidactes sur les grands textes fondateurs des civilisations écrites (principalement continentales de l’Europe à l’Asie, et en Amérique Centrale et du Sud), ce qui ne permet pas de dire que de tels lecteurs seraient dépendants ou manipulés par une organisation. Ils sont libres d’exister dans leur propre voie. Enfin, d’autres civilisations co-existent dont les savoirs respectifs sont d’autant plus complexes qu’ils ne sont pas écrits et se transmettent au gré des sensibilités orales ou par l’initiation (selon des traditions différentes). Mais tous en arrivent à risquer l’autodafé public, ou l’abolition mémorielle pour n’avoir pas dominé sous une forme d’apparence ou de pouvoir institué. Ils risquent plus bizarrement encore l’autodafé domestique à l’aune des virements intégristes de la croyance quel que soit son domaine d’application (non seulement ethnique, au nom de la tradition, mais encore politique — à considérer qu’il puisse également s’agir de tradition, ce qui suppose d’admettre que l’universalisme des Lumières soit forclos).

Mais l’exigence d’appartenance collective (niant le cas singulier) qui sévit aujourd’hui, — y compris parmi les défenseurs de la laïcité qui en réalité se trouvent sans consensus de ce qu’il convient d’entendre par laïcité : historique, sociale, institutionnelle, ou autre, — n’est pas le retour du symbolique. Le pacte de l’équivalence de la valeur d’usage et de la valeur d’échange qui réglait les rapports sociaux symboliques des sociétés modernes a fondu par abstraction dans le destin de l’équivalent général, c’est-à-dire de l’argent comme valeur propre, hors du système d’équivalence. L’argent, forcément advenu au premier plan du système de l’échange dans les sociétés commerciales, a fini par advenir en profits sans équivalence dans le régime financier de l’argent auto-négocié. Les sociétés financières sont exploitées par un capitalisme délié des entraves sociales qui consistaient en devoir de retour à la masse exploitée pour qu’elle reproduise sa force de travail, et, dans une seconde phase d’exploitation de la classe productive, de lui faire consommer les produits de son labeur pour accomplir une nouvelle source du profit capitaliste, le capitalisme décuplant les profits qu’à tort on aurait pu croire mis à mal par l’accroissement du coût salarial et la réduction du temps de travail. C’est en tous cas par cette voie que le capitalisme a entendu raison du progrès social dans les nations du capitalisme moderne et postmoderne, jusqu’à ce qu’il puisse rompre avec la société productive elle-même, grâce à l’émergence du libéralisme financier, puis y revenir après avoir prouvé que le travail était dévalué afin de réviser son prix à la baisse. Libération absolue de l’argent pour des profits exponentiels sans précédents et déliés de leurs engagements sociaux. À la place vide du rapport symbolique des échanges et des édifices ruinés du bien commun, c’est l’avènement des codes allégoriques des communautarismes identitaires, dans une société commune défaite (celle du système d’équivalence de la valeur comme principe général). Et il ne faut pas se féliciter que la laïcité dans ce cadre soit devenue elle-même le simple code de notre allégorie propre (radicale républicaine), c’est à dire sans valeur universelle.

Sinon le Dieu unique du dollar imprimé en quatre mots sur le billet vert, In God we trust, qui n’a rien à voir avec le vert de l’Islam ni avec la couleur de l’écologie, situe pour mémoire que l’équivalent général divin de la valeur, abstraite du billet, la valeur elle-même égale à Dieu, peut-être Dieu en lui-même, se réalise par l’argent, et qu’il n’y a pas à se sentir coupable, puisque Dieu le veut ainsi (puisqu’on l’a laissé faire). Ainsi le destin des Trusts serait-il voué à la confiance en Dieu. Voilà pourquoi il n’y aurait rien à réguler du côté de la finance, il nous reviendrait de suivre ou de disparaître, Dieu étant au-dessus de toutes les lois. Or là, les activistes intégristes français de la laïcité ne trouvent rien à redire. Salut, Philip K. Dick (Ubik).

Il y a en donc, d’abord, une arabo-phobie post-colonialiste et impérialiste à régler, car elle se développe quotidiennement en France — pas seulement en France — mais ici particulièrement, sous les traits d’une laïcité contre l’Islam, non moins intégriste que les intégrismes islamiques ne le sont dans ce pays, et peut-être même davantage dans la mesure où en France ce sont les intégristes laïques qui ont force de loi et non les intégristes islamiques. Je n’évalue pas l’un par l’autre, je décris une situation de fait. Me concernant je suis athée, je ne suis pas concernée par la question de Dieu, mais curieusement je comprends d’autant mieux en quoi la défense de la laïcité du service publique, si elle a des fondements républicains auxquels il ne me viendrait pas à l’idée de m’opposer, parce que je suis républicaine, par contre prend une tournure actuelle qui me déplait fortement.

En somme cette situation caractérise d’une part l’héritage républicain local, et d’autre part l’héritage colonial (sous tous ses états) des pays de culte musulman, auxquels les grandes vertus de la laïcité française étaient sensées procurer la compensation de l’éducation et du progrès social, et nulle part ailleurs mieux que dans la métropole elle-même. La plupart des émigrés de plusieurs générations sont d’anciens colonisés qui ne sont plus intégrés faute d’emploi. Même sous le registre de la nationalité française ou de la double nationalité héritée de leurs parents ou de leurs grand-parents, parfois même venus pour se protéger contre la soumission religieuse dans leurs propres pays sans laïcité, ou pour échapper là la hiérarchie tribale, ils constituent une large communauté appauvrie in situ. Du moins après la génération des retraités (ceux qui constituaient le dernier prolétariat de l’industrie nationale), leurs descendants en l’état de deux générations ont été et sont laissés pour compte. Sur ce fond, la réalité concrète que la laïcité soit particulièrement liquidée par le démantèlement du service public n’arrange pas la crédibilité éthique du bien commun laïque, aux yeux des communautés qui se sentent exclues — car elles le sont.

L’Islam est toujours considéré à tort comme une entité homogène, alors que c’est une galaxie hétérogène, diffuse à nos yeux, des mille lectures du Coran. L’unité historique n’est le cas hiérarchique que des organisations centralisées du catholicisme, et plus récemment du sionisme, rattachés aux nationalismes, et en tout état de cause : de l’impérialisme. Considérer le monde musulman ici ou là, en l’amalgamant, permet d’effectuer un argumentaire impérialiste mondial bi-polaire, non pas dialectique ce qui le rendrait négociable, et localement contre toute étrangeté. Seraient-ce indifféremment les apparences sociales explicites, ou les non apparences consensuelles implicites, cette xénophobie s’édifie à l’égide de la sécurité armée (concernant les raisons « internationales ») et policière (concernant les raisons « nationales ») à l’égard de citoyens pourtant français voir franco-français. Sous le Traité de Lisbonne les polices nationales sont rattachées à l’armée (notamment en France, qui a été attribuée du leadership en matière de sécurité intérieure européenne, pour prime de son ralliement à l’OTAN).

Le néo-libéralisme mondialement monopolistique par structure comme par croyance (on a vu le mono Dieu sur le dollar) s’empare des biens collectifs et en délocalise la valeur, servi par le déplacement administratif européen qui dépolitise l’État national dans la réglementation supra-nationale, ce qui a permis aux USA de reprendre le contrôle total de l’Europe sur le plan militaire économique et financier. D’ailleurs, le Président Obama était un des contre-signataires du Traité de Lisbonne, traité de la seconde fondation européenne. Non plus l’État politique pour servir ses administrés, mais la courroie de transmission de l’exécution néolibérale des lobbies européens recevant les lobbies américains — selon leurs théories civilisationnelles et leurs convenances stratégiques, — liés dans leurs intérêts et dans leurs capitalisations boursières, sous la garde des armées d’un seul bloc impérialiste mondial où le leader décide pour tout le monde.

Entendre le porte-parole de La Maison Blanche commenter les caricatures de pseudo-Charlie, pour déculpabiliser le gouvernement en même temps que le patron du journal, était tout à fait aimable après les meurtres des ambassadeurs américains en Libye, mais tout de même un peu surprenant en matière de respect des souverainetés. Cela s’explique parfaitement par la signature américaine du Traité européen de Lisbonne, même si Jay Carney (ancien journaliste et dernier prote-parole en date de La Maison Blanche) n’est pas une icône de la Sécurité. Quel honneur pour un vil journal ! Il m’est venu à l’esprit de me demander si quelque commentaire du porte-parole du Président américain aurait pu aujourd’hui clamer sa joie d’apprendre la mort d’un de nos grands hommes d’État, qui leur en avait fait voir de toutes les couleurs, avec sa force de frappe et ses alliances en pleine guerre froide, en rendant un hommage public à la couverture de vrai-Charlie, tel qu’il apparut au moment de la mort du Général de Gaulle, je cite la première de couverture : « Bal tragique à Colombey », cela aurait été considéré comme une ingérence inconvenante ou même venant d’une personne qui aurait perdu ses facultés de dignité. Et je me suis dit que oui, c’était concevable, puisque, en pleine campagne électorale des dernières Présidentielles françaises, le président Obama comme la chancelière Merkel s’étaient publiquement déclarés, en toute obscénité médiatique, pour soutenir le président sortant. Alors qu’ils auraient du s’en tenir à un devoir de réserve, même si leur puissance dominante pouvait les abuser sur le droit d’être grossiers à l’égard d’un peuple électeur souverain qui n’était pas celui de leurs souverainetés respectives, et accessoirement l’humilier. Ensuite, on a vu François Hollande à peine élu enfourcher le même cheval de l’ingérence en forçant contre Syriza l’information des grecs à quelques jours de leurs élections.

On nous dit : la crise, l’endettement... mais quelle importance ont-ils réellement quand la spéculation sur la dette française est de nouveau autorisée (ce qui n’est ni le cas de l’Espagne ni celui de l’Italie, contrairement à ce que le silence de l’Information exprimerait implicitement). Sinon pour nous faire croire en une nécessité impérative de devoir faire le dernier saut, celui du niveau de la réalisation européenne supérieure, pour libérer le projet néo-libéral de toute entrave locale, et donner lieu au triomphe d’une nébuleuse bureaucratique gérant des expertises loin de toute sanction électorale directe.

On le voit bien concernant les OGM, dont une recherche commandée par l’État à des chercheurs liés au CNRS et à l’INSERM n’est pas souveraine de la décision, sur le sol même où on lui a commandé la recherche, celui où nous vivons. Supra État apolitique, ingérant et tentaculaire dans la vie des gens eux-mêmes, qui ne s’intéresse qu’au comportement du consommateur, surveillance et privatisation générale de tout le secteur public ou de ce qu’il en resterait, afin de sélectionner ceux qui, pouvant payer, mériteront d’avoir une place dans la société suivante. Ce n’est pas pour redistribuer du travail par le haut, mais pour développer les intérêts des grands groupes mondiaux — dont nos propres trusts, — placer des automates à la place des guichetiers de service au coin de notre rue, qui ne discuteront pas avec le client. Et ponctionner les budgets nationaux au profit de la grande « broyeuse de chocolat » qui s’appelle l’Europe et qui s’occupera plutôt de donner du travail à ses bureaucrates et au commerce de ses lobbies, quand les pays ne peuvent déjà plus en procurer à leurs populations, parce qu’ils ont tout donné à l’Europe et à la valeur surévaluée de l’euro : à part la valeur actionnariale des transactions boursières il appauvrit les pays et les régions et limite les exportations (trop onéreuses).

Ce que l’on appelait pour nous convaincre : « réformes — parce que l’État est trop coûteux », comme si l’Europe elle-même n’était pas extrêmement coûteuse, et largement plus, et toute proportion gardée, au-delà. Non pas une fédération mais une centralisation de la décision délocalisée de ses engagements électoraux nationaux respectifs, en épargnant l’alternative d’engagements électoraux supra-nationaux, puisque sinon le parlement européen il n’en existe pas d’autre, or le parlement n’est pas exécutif. La Commission Européenne des gouvernants est déculpabilisée de trahir puisque ses membres s’engagent sur des intérêts qui ne sont pas ceux correspondant aux objets directs des nations. Localement, il s’agit principalement encore, à l’instant même, de déréguler le service public en service privé, et l’aide de l’État à la production et au travail locaux — entre autre, — pour soutenir la libre concurrence du marché sans qualité aux dépens des ressources des citoyens, et rien ne vaut mieux qu’une bonne crise pour les convaincre de se résigner à admettre ce qu’on veut leur imposer « par raison d’économie », la concurrence auto-régulant les prix jusqu’à la diffusion des produits... Ce n’est pas tout à fait constatable, mais la baisse de qualité des produits et de leurs étiquetages : oui. Dans les régions, une fois les trésors nationaux vidés (trésor public et patrimoine), on appelle les banques privées, encore et toujours les banques qui se nourrissent de la pauvreté publique. Une banque d’investissement public en France est envisagée ? Qu’à cela ne tienne : on appelle le représentant de la banque Lazare (qui fait partie de quelques mauvaises réputations de Wall Street à l’instar de Godman Sachs), Mathieu Pigasse, en plus détenteur d’actions de Presse des principaux journaux d’information générale des classes moyennes, (Le Monde, et peut-être Libération — du moins en fut-il question).

Pour corseter le tout d’angoisse, voilà que l’on nous propose, à la demande de toute partie, de faire le décompte des millions de morts victimes des nationalismes (autre raison de défendre l’Europe qui ne serait pas une nation, disent-ils, — alors qu’elle évacue l’émigration), pour les comparer. Quant tout s’immerge dans la confusion des iconographies et des formules, figuratives et abstraites, des clichés résiduels de l’occident colonialiste, et de ses monstrueuses bavures européennes [1] restés irrésolus. Pendant la dernière guerre mondiale, la population juive dispersée dans les pays d’Europe — sauf des villes et des villages principalement en Pologne, mais il fut d’autant plus facile aux bourreaux d’en regrouper les populations, — a été vouée à l’extermination par les nazis et ses collaborateurs. C’était pourtant une population parfaitement intégrée à tous les niveaux de pouvoir et dans toutes les classes sociales. Donc ce qui leur est arrivé peut vous arriver, à vous qui êtes athées ou chrétiens de souche, dans une toute autre situation historique et sans même avoir à vous rassembler, même si vous pensez que ce qui arrive aux musulmans, mal intégrés, et aux Roms, non intégrés, ne pourrait pas vous arriver.

Avec les victimes du colonialisme hors de l’Europe, et pour ceux qui avaient pris un navire, jamais totalement intégrés (en plus d’avoir été « ratonnés »), tout s’amalgame dans les clichés en trompe l’œil de la masse de l’extermination des juifs par les non juifs, hors d’échelle. Mais à ceux qui auraient mis entre parenthèse les assassinats en série de Sétif on peut toujours rappeler les dizaines de million de morts et les dizaines de millions de blessés populaires principalement ouvriers et paysans et toute génération de la jeunesse sur le front de la première guerre mondiale, sans oublier ceux qu sortirent des tranchées pour aller embrasser les soldats des rangs ennemis au chantant l’Internationale. Mettre en ellipse les autres crimes génocidaires de l’Europe ne signifie pas la culpabilité d’avoir commis et collaboré au pire avec la Shoah, car loin de la résolution des causes il s’agit au contraire de réactiver une familiarité avec la mort de masse, en préparant à accepter de nouveau les centaines et milliers et millions de morts humains sous de multiples des façons qui s’annoncent.

Les images mémorielles des deux côtés de la méditerranée restent énigmatiques parce qu’on les utilise les unes contre les autres, au lieu d’analyser en quoi de telles situations pourraient être liées, et en quoi elles pourraient ne pas se reproduire, c’est-à-dire d’en trouver la clé pour en éviter de nouvelles. Les génocides n’arrêtent pas sous toutes les formes possibles, guerrières et alimentaires. La question de la gestion de l’Allemagne par les nazis n’a jamais été discutée ni contestée, elle révèle pourtant le sens de la gestion du monde aujourd’hui. Il n’y a pas que l’Inde de Monsanto et l’Afrique des marchands d’armes, Gaza n’est-il pas devenu un ghetto mortel même si l’embargo s’est atténué parce que l’Europe a atténué le sien. Il reste impossible d’en sortir, quand l’agriculture a été détruite avec des armes qui ont pollué les sols et l’eau durablement, et sporadiquement il y a des bombardements. Alors forcément, réagir contre la souffrance en se gouvernant contre la misère solidarise les populations et les peuples de la misère où qu’ils se trouvent.

Cependant les clichés du passé servent à masquer un phénomène nouveau, la tension vers une matérialisation du fantasme de faire disparaître le tiers de la population sur terre, d’une façon ou d’une autre, à titre conservatoire du reste de l’humanité « digne de survivre ». Ce sont toujours des millénaristes au pouvoir qui l’énoncent statistiquement. C’est toujours Dieu qui le veut ! — le Dieu des chrétiens et le Dieu des juifs, tolèreraient-ils l’incroyance, mais en tous cas ce n’est pas le Dieu des musulmans qui le diffuse dans les médias, ne tolèrerait-il pas l’incroyance.

Ainsi l’idéologie des néo-conservateurs libéraux croyants (chrétiens ou juifs) a renoué le fil de l’eugénisme cher au nazisme, que tous prétendent ne pas reproduire, et il faut s’émerveiller de voir comment sur le lit de l’économie de l’échange moribonde ils ont fini par convaincre les centres et éventuellement les centres gauche, et peut-être même les gauches parlementaires. Y compris la question de l’euthanasie démasque la double entrée des raisons économiques. Certains experts nationaux ont déjà osé l’envisager, dans une version externe de la décision préalable du patient ou du vieillard (qui le pourraient pourtant, sinon au moment même, du moins sous la production d’un document antérieur), l’envisageant en termes d’économies de la santé publique. Idem concernant les prélèvements d’organes sur des accidentés qui aux limites pourraient être sauvés, et là ce n’est même plus une question d’économie mais de profit. Tout cela a commencé sous la Présidence Mitterrand, (Dieu — encore — disaient les marionnettes de Canal+), et la banque des organes fut réalisée par un médecin, ministre de la santé publique de la majorité présidentielle du Président Chirac. Est-il bien nécessaire de le rappeler ? Oui. Aujourd’hui, des banques internationales des organes, des tissus, et des cellules, fleurissent à l’étranger dans des pays technologiquement avancés, mais moins rigides en matière de protection des Droits de l’homme, et notamment l’une des plus renommées, à Rabat, enorgueillit le Maroc. Les arabes dans leur site seraient bons pour donner leurs organes aux européens qui mettent hors de chez eux les arabes. Siituation intéressante.

Retour sur le blasphème : être pour le droit d’exprimer le blasphème, dans une société à l’égide d’une constitution laïque, c’était aussi défendre le principe gratuit et symbolique de la liberté d’expression auto-gérée comme un trésor en partage.

Le blasphème est l’épreuve du principe de tolérance critique réciproque, dans une société pour tous ; l’expérience est régulée ou dérégulée aux limites du « passage à l’acte » — ce qu’exprimer le blasphème par une création artistique ou poétique ou par des aphorismes n’est pas : ce n’est pas cela le passage à l’acte criminel (ni au sens psychiatrique ni au sens judiciaire). Justement blasphémer est commettre un acte nécessairement pur : objectif, radical, gratuit, sans affect. Rien n’est pire que l’exploitation du blasphème dans la communication de masse. Mais le dire n’est pas réclamer de la censure, c’est au contraire alerter contre l’intolérance, en épinglant la « binarisation » réactive de l’interactivité sur le web, binarité du choix et à la fois bi-polarité de l’expression antagoniste simultanée ou alternative, qui détruit la culture (forcément toujours complexe car ambiguë de fait), et pire encore qui « dénature » l’échange social, car il ne peut pas être l’instant (le temps) de l’opposition mais seulement l’espace de la discussion, sinon il n’existe pas. Du dites-moi oui ou dites-moi non, le pouvoir sait parfaitement utiliser la galaxie des signes résiduels rejetés par cette détermination, interchangeables quand les pactes symboliques qui les liaient ont fait long feu. Et imposer l’irréductibilité de la voie unique, fatale, aux dépens du compromis vital, forcément paradoxal (donc aventureux). Le réductionnisme social qui s’opère à travers la proposition du choix « pour ou contre » forge la nouvelle imbécilité citoyenne, pour justifier les lois répressives « raisonnables » qui lui sont infligées, afin qu’elle ne puisse plus compter dans le jeu des décisions du monde.

Ce n’est même plus de l’idéologie (dont à lire Marx on apprend le système arborescent comme un langage apparemment cohérent), c’est une norme de conditionnement en produit, pour apprendre à répondre aux ordres forcément initiés du commerce, et du pouvoir qui imite le commerce à force de le servir — et cela vaut pour les partis parlementaires restés dans l’antichambre sans gouverner. Plus la science développe la connaissance de la complexité, où le sujet devient un objet parmi les autres, mais interdépendant fusionnellement ou réactivement, ce qui devrait philosophiquement causer une précaution du pouvoir, tout au contraire les signes de la société sont d’autant plus requis pour renforcer le pouvoir qui a perdu son lien symbolique avec la population qu’il administre, serait-elle : ses électeurs.... Ainsi, la fermeture des accès aux services de la gratuité, lieux symboliques du partage laïque (où la laïcité a fondé son sens commun), exécute la sortie du monde concret de la société utopique de la richesse et de la cognition partagées, que la connexion numérique au contraire devait renforcer et multiplier (ce qu’elle a fait), et cela génère l’immaturité convenue de la population citoyenne, ou bien la récession attendue de sa position critique inattendue.

Donc il y a les humiliés de la misère et oubliés du droit, et ceux qui les humilient parce qu’ils ont perdu la république au nom de laquelle ils humilient. Faut-il vraiment en rajouter une couche avec Dieu endo et exo ? Il conviendrait d’arrêter de nous rabattre les oreilles avec une laïcité qui n’existe plus qu’à l’état de ruine, car le service public lui-même qui était le sceau de sa valeur d’échange égale à sa valeur d’usage n’existe plus qu’à l’état de ruines — en attente de dégagement par le bulldozer européen qui s’annonce très proche.

Oui « je » suis pour le service public — et alors ? A-t-on le pouvoir de le restaurer et peut-on attendre qu’il le soit ? C’est une autre question. « Je » parle des choses en l’état au jour même. Or « me » promener parmi des femmes qui portent un foulard ne « me » pose aucun problème, et partager le service public avec elles, par exemple l’école, ne me pose pas davantage de problème, si elle ne mettent pas de réserve sur les disciplines et le sexe des enseignants, dans ce cadre explicite là : celui du service public dans un pays tolérant de toute religion et à commencer par l’incroyance comme non religion, statut des fondateurs de l’école publique laïque en réquisitionnant les écoles religieuses pendant la Commune de Paris, Eugène Varlin et Edouard Vaillant (puis le fondateur de l’école publique nationale, Jules Ferry). Oui « j’ »ai aimé porté l’uniforme de l’école publique : une simple blouse. Pourquoi ne pas restaurer l’uniforme, en toute logique de vouloir que tout le monde se ressemble dans ces lieux là ? Parce qu’il faut protéger le consumérisme perpétuel en matière de vêtements ? ...

Il est joyeux de savoir les limites du ridicule des ténors et des sopranos de la laïcité. Voici un exemple plus précis, tout à fait d’actualité : à l’occasion de cette rentrée il est maintenant question de faire payer l’accès des classes préparatoires aux Grandes Écoles. Les préparations aux Grandes Écoles sont le creuset d’une sélection des plus brillants bacheliers, parmi lesquels d’aventure il arriva — plus souvent qu’on ne le pense, — que des élèves originaires de familles pauvres parvinssent à s’y hausser, grâce à leurs enseignants avisés. Ainsi, les grands cadres de la Nation furent-ils recrutés, de Napoléon à la 5è république, parmi la diversité sociale, si dominante en matière de nombre la classe oligarchique ou de l’Enseignement purent-elles s’y trouver (non pas du à l’argent, mais aux conditions favorables de l’éducation familiale). À partir du moment où ces super-classes ne sont plus seulement sélectives d’après les résultats obtenus par les élèves, ce qui imprimait déjà une sélection sociale par défaut des ressources éducatives dans les familles dépourvues du savoir, mais de surcroît seulement accessibles par les voies de l’argent, cela signifie que seules les couches sociales privilégiées pourront désormais s’assurer d’y voir leur descendance, les autres étant radicalement exclues, si brillantes seraient-elles advenues. Et peut-être même parfois plus brillants, puisque leur place restant libre devra être pourvue par un autre, mieux doté serait-il moins performant... Donc non seulement cette disposition nouvelle de l’accès aux classes préparatoires est sans ambages la réalisation de l’exclusion de la société républicaine, pour l’installation exclusive de l’oligarchie aux postes de sa reproduction, mais, effet pervers de l’argent quand il exclut forcément certains des meilleurs, le niveau des classes préparatoires forcément va baisser, confronté à la nécessité du nombre à recruter pour remplir les caisses. Et même, on peut concevoir qu’en certains endroits, par le système des donations ou de la corruption, il deviendra discrètement possible d’acheter l’accès pour certains — même si l’exception confirme une règle qui ne le permette pas.

Que ceux qui osent encore parler de laïcité après de telles révélations de l’abolition du service public s’affublent du niqab pour se voiler la face !

La disparition du « Public » installe la laïcité au temple de l’Histoire prescrite, palanquin sacré que l’on brandit en principe seulement lors des défilés commémoratifs (par exemple on pourrait se mettre à célébrer le jour de la loi Jules Ferry, ou selon la sensibilité des festivaliers la journée Varlin — qui y laissa ses yeux et sa peau). À cause de l’histoire de la république moderne, et de la postmodernité sociale basée sur le Front Populaire repris à la Libération, il y a toujours cette connivence fusionnelle entre le secteur public et l’espace public qui installe le malentendu actuel, sur lequel on peut exploiter toute la mauvaise foi nécessaire. Ainsi la Poste, privatisée depuis quelques années, avait été par erreur évoquée parmi les lieux su secteur public français où il aurait convenu de ne pas se présenter avec un foulard « musulman ». Mais en tout état de cause du statut de la Poste (mal passé dans les têtes, et la preuve), on croit rêver d’apprendre que pour aller envoyer un colis ou utiliser la banque postale le port du foulard fut peut-être proscrit. En premier lieu, la façon républicaine de concevoir le foulard musulman est de considérer qu’il se présente comme une autre façon de se coiffer, traditionnellement, pour sortir dans la rue. D’ailleurs les femmes concernées n’ont pas manqué de le démontrer, et de façon variée, depuis.

Enfin, il ne conviendrait pas de négliger une différence irréductible en matière de blasphème iconographique, c’est que l’Islam est iconoclaste, comme une partie des chrétiens de la réforme historique. Mais comme les protestants vivent généralement dans des démocraties laïques qu’ils ont historiquement participé de constituer ; cette caractéristique n’y singularise pas les lois. Au contraire, les chrétiens d’orient et les catholiques font partie des cultures de l’icône, et nous concernant, celle-là même du clergé dominant dans le royaume français. L’icône n’est pas prohibée dans les démocraties laïques et dont c’est même un des premiers médias. Par conséquent, il n’existe pas d’équivalence possible de l’humour iconoclaste dans le domaine iconographique à propos des religions même en démocratie laïque. Le droit de railler des icônes religieuses publiquement ce n’est pas le droit représenter dans un média public ce qu’il est interdit de représenter sous la forme d’icône dans telle autre religion (considérant les musulmans : ce qui se cantonne au domaine du Coran et notamment le Prophète). A fortiori venant de non musulmans, représenter Mahomet peut-être perçu par les musulmans comme une humiliation, un manque de respect de leur communauté par une autre communauté dominante. Il est temps de montrer en quoi cela pose une différence pour des non musulmans de défendre un acte iconoclaste contre l’Islam tels Les versets sataniques de Salman Rushdie, ou des caricatures. D’abord la critique de l’Islam et des sociétés musulmanes par Salman Rushdie peut-être considérée comme infra-musulmane, même si elle ne pouvait être publiée que dans une démocratie laïque, car l’auteur est né dans la communauté musulmane de Bombay où il a été éduqué enfant. Son acte blasphématoire sur le fond est principalement caractérisé par un texte, serait-il représentatif, rien qu’un texte, toute la puissance du texte qui construit une critique des lectures intégristes et cléricales du Coran et des sociétés qui appliquent la Charia dans le monde d’aujourd’hui. Du côté des non musulmans, soutenir Salman Rushdie pour Les versets sataniques, s’agissant d’un texte iconoclaste, ne participait pas de la critique de l’Islam par l’image, mais pour la liberté d’expression et les droits de l’Homme protecteurs des étrangers libre-penseurs ayant élu domicile dans les sociétés laïques. Nous sommes loin de la position de Charb dans Charlie Hebdo, même quand il représente en même temps que Mahomet un rabbin, le pape, Jésus-Christ ou la vierge Marie...

Autrement dit Charb a franchi la limite de l’interdit de se préoccuper de ce qui ne le concerne pas : même pas le foulard public mais la culture privée d’une communauté. Ce qui fait des caricatures de Charlie-Hebdo un acte notoirement xénophobe même si là n’était pas l’intention.

Où l’interactivité occupe désormais la place du mort — la république électorale. Et la laïcité — celle du service public en extinction. Domination imbécile de la masse du pouvoir imbécile — non le pouvoir des imbéciles mais le pouvoir imbécile administrant les masses.

Attention aux lendemains de l’interactivité réductionniste binaire de l’idée partagée en commun.

L. D.

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Tombeau de l’unité en trois guerres contre-citoyennes :

1. La loi de l’humour (sur le pouvoir) / 2. l’Islam (sur le Moyen Orient) / 3. Conclusion (sur les nouveaux Traités). (suivre les liens)


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1. « Le tombeau de l’humour »

     À Propos de la série médiatique blasphématoire et internationale des deux dernières semaines, prétexte d’assassinats et agent de troubles sociaux, pour bonus de l’humiliation et du resurgissement politisant la peur, sous quelques leurres, il est temps de citer pour mémoire l’ouvrage de Pacôme Thiellement, paru en février, justement à propos des chevaliers débridés du premier magazine Charlie-Hebdo, libératoire, clos en 1981, qui dans sa seconde occurrence sous le même titre, dite pseudo-Charlie, illustre un sinistre commerce avec les libertés en démocratie post-républicaine :


  • « Tout le mal que j’avais à dire du pseudo-Charlie, je l’ai fait dans mon livre Tous les chevaliers sauvages [2]. Dorénavant je me contenterai de dire que, telle la Trimurti indienne, la stupidité islamophobe possède trois visages : le premier, c’est Véronique Genest, et c’est la peur inconditionnée et indéterminée ; le second, c’est Richard Millet, c’est le désir de conserver à tout prix un fantasme face à une réalité qui lui résiste ; le troisième enfin, c’est Charb, et c’est le Shiva pseudo-anarchiste et pseudo-rebelle de l’Imbécilité ; avec lui, nous fermons pour toujours un cycle de stupidité mille et une fois plus sombre, sévère et stupide que tout ce qu’a pu rêver notre philosophie. » (20 septembre 2012)


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Pacôme Thiellement,
Tous les chevaliers sauvages,
Tombeau de l’humour et de la guerre
Éditions Philippe Rey, février 2012, Paris. 192 p.


La première de couverture est à l’effigie du dessinateur Jean-Marc Reiser, signé Reiser, (13 avril 1941 - 5 novembre 1983), photographié par Arnaud Baumann.

Lire la critique de Guy Darol dans son blog Rien ne te soit Inconnu.

L’ouvrage est accessible en librairie urbaine et en librairie numérique (par exemple : FNAC et amazon.fr).


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2. « Il y a plusieurs Islam et même des arabes laïques »
À propos de la Syrie sur les forces en jeu au Moyen Orient

     G eorge Galloway [3] répond précisément à un journaliste égyptien prosélyte de l’Islam unique et adepte de la solution de la guerre au Moyen Orient (anglais sous-titré en français) — Ndlr : sans engagement sur le titre propre de la vidéo :


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3. Conclusion
Quant aux Traités renforçant l’unité au prix de détruire l’union

  I nutile de développer sur le, et les traités annexes du, Pacte de stabilité, au lieu de refuser respectivement ou collectivement la part toxique de la dette et d’arrêter la spéculation re-ouverte sur la dette française à quelques jours du scrutin des Présidentielles. Cela déchire les pays, les divise en pays riches et en pays pauvres, permet que les plus riches dévorent les plus pauvres de l’UE, et enrichissent davantage leur économie à ces dépens ; ceux où la grande récession est commencée vont en connaître l’accélération, au lieu d’être solidarisés sur des bases de relance saines... Nous ressentons en tous cas que ces traités sont inadaptés à la diversité européenne y compris la diversité de la zone euro, et qu’ils préparent le renforcement dictatorial de la bureaucratie unitaire, largement rémunérée sur le dos des pays ruinés de l’Union de force ; et ces pays dépourvus des souverainetés politiques pour donner le coup de pied au fond qui sauve selon le contexte local.

Pour information :

Traité MES, Pacte budgétaire, Mécanisme de stabilité, TSCG : c’est quoi tout ça ? (agoravox.fr)


* Si le tweet qui apparaît dans la fenêtre d’envoi est trop long, (le nombre de signes en excès apparaissant dessous, précédé de : "-") le raccourcir avant de l’envoyer, en prenant soin de ne pas supprimer le lien même de l’article.



Voir en ligne : Sur La question juive de Karl Marx à propos de la candidature électorale de Ilhem Moussaïd dans le Vaucluse en 2009

P.-S.

Le logo est une icône extraite du site desobeir.net.

Notes

[1] L’hypothèse de la bavure monstrueuse du colonialisme des États européens appliqué en masse à l’un de ses peuples à la fois natifs et diasporiques, et notamment la question de l’holocauste, est l’hypothèse de Aimé Césaire dans le Discours sur le colonialisme intégralement publié dans www.criticalsecret.net (suivre le lien). L’hypothèse de la fin de l’Histoire et de la généralisation ultérieure de la gestion des peuples expérimentée par les nazis est dévoilée par Elias Canetti dans Le territoire de l’homme en regard de sa lecture du livre écrit par Albert Speer pendant sa captivité, architecte et ancien ministre de l’Équipement dans l’Allemagne d’Hitler, Au cœur du 3è Reich.

[2] op.cit. in Le carnet en septembre 2012, Sélection de septembre (ouverte), Soap Apocrryphe.

[3] George Galloway est un membre éminent de la gauche radicale siégeant à la Chambre des Communes britanniques en tant que membre du parti Respect qu’il fonda après son exclusion du parti travailliste pour s’être opposé à Tony Blair contre la guerre en Irak. Son activisme en faveur des palestiniens est notoire notamment suite au bombardement de Gaza en plein boycott en 2009 il lança l’opération humanitaire « Un convoi pour Gaza ». (Lire une biographie sommaire dans fr.wikipédia - suivre le lien).

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