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Pour Katja Cavagnac. Ici et là | Here and There

24 août 1937 - 25 janvier 2015 | Témoignage - A Testimony

vendredi 6 février 2015, par Aliette G. Certhoux, Céline Cavagnac, Romain Cavagnac

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Romain


C’est auprès de Romain que j’ai pris le premier contact avec les enfants de Katja après sa disparition le 25 janvier, grâce à un compte qu’il avait ouvert dans les réseaux sociaux. [1].

Il me semble bien me souvenir que les hommes étaient déportés en Allemagne pour quelque chose de similaire au STO des Français, dans le cadre d’une sorte de convention d’échange de prisonniers entre les pays de l’Axe. Le père en tous cas a été déporté peut-être avec son fils déjà plus âgé qu’un enfant ? Les hommes au « boulot » et les femmes dans les camps avec les enfants. Il ne serait donc resté, internées sur place, que Katja, sa mère et ses deux sœurs (ils étaient 4 enfants).

Le père de Katja a-t-il survécu à la détention ?

La réponse est oui, il est mort aux Pays-Bas en 1960 [2] .

Après la libération des camps par les Britanniques la famille de Katja a-t-elle connu la guerre d’indépendance entre les forces de décolonisation de Soekarno et l’armée néerlandaise ?

Non, elle ne l’a pas connue du moins cela ne fait pas partie des bribes que j’ai pu entendre. J’ai l’impression qu’ils ont été de ceux rapatriés en Europe par les anglais (ou les américains ?) dès la libération des camps.

Deux anecdotes au sujet de l’internement :

— Avant d’être déporté, le père de Katja avait donné sa montre à son épouse. Cette montre a ensuite servi de monnaie d’échange dans le camp et ainsi la maman de Katja a pu récupérer une bouteille d’huile. Elle a donné une petite cuillère à café de cette huile à chacune de ses filles tous les matins (je me suis d’ailleurs toujours posé la question de la dimension de cette bouteille) venue en complément alimentaire du bol de riz quotidien, ce qui aurait permis à la famille de survivre à la sous-alimentation.

— Au moment de la libération, la mère de Katja fut extrêmement vigilante à ce que ses filles mangeaient. Il semblerait que les prisonniers affamés et fraichement libérés se soient massivement précipités sur la nourriture, ce qui entraîna de graves maladies, voire même la mort pour certains (d’après Katja)... C’est en tous cas un souvenir de Katja qui avait manifestement ressenti cet interdit sur le moment comme une privation, mais ensuite elle en avait compris (probablement au fil des récits de sa mère) tout l’intérêt.

Mais cet internement a toujours été pour nous un grand mystère. Elle nous en a souvent parlé sans jamais entrer dans les détails (à part ces deux anecdotes). En même temps, comme le Japon a capitulé le 15 août 1945, j’imagine que le camp a été libéré rapidement dans la foulée, donc elle n’avait qu’à peine 8 ans lors de sa libération. Il semble normal que les souvenirs aient été vagues... Je regrette de n’en avoir pas parlé avec ma grand mère, elle aurait pour sûr été plus précise... même si elle n’en parlait pas spontanément.

J’ai un peu l’impression qu’il y avait comme une sorte de déni sur ce sujet dans la famille. Quelque chose qui fait que si l’on n’en parle pas et bien ça n’a pas existé. Ou une pudeur très protestante qui met un voile sur les horreurs du passé... Je ne sais pas... En comparaison de certains de mes amis juifs qui ont une vision très claire des horreurs que certains de leurs parents (et surtout leurs grand parents) ont subi, je me sens un peu orphelin de ma mémoire sur ce sujet pourtant si important dans la personnalité de ma mère.

J’interrogerai ma cousine à ce sujet pour voir si elle en sait davantage. Je sais que Katja fut profondément choquée en atterrissant à Tokyo où elle avait accompagné Guy en voyage. Le ton « martial » des discussions entre japonais l’avait plongée dans ces souvenirs.

Il me semble aussi l’avoir entendue dire « c’est exactement ça » à l’évocation de Furyo d’Oshima avec Bowie... Mais là, c’est peut-être ma mémoire qui me joue des tours.



Céline


Céline ignorait la possibilité de la déportation des néerlandais d’Indonésie en Allemagne par les Japonais [3]. D’autre part elle apporte un éclairage différent sur le frère de Katja.

Dans mon souvenir, Katja m’a toujours dit que son père était dans un camp d’hommes à Jakarta, que le frère de Katja l’y avait rejoint dès qu’il avait été considéré ne plus avoir l’âge d’être avec les femmes, et qu’en fait il n’y avait pas retrouvé son père, mais un oncle.

Katja ne s’est pas répandue en souvenirs, en effet, mais elle m’a raconté quelques anecdotes qui m’ont frappée :

— La première, c’est que les femmes devaient tricoter des chaussettes pour les soldats japonais [4]. Un jour, Katja a dû aller en apporter une paire dans un bureau (du moins c’est l’image que je m’en suis faite) et il y avait là une femme néerlandaise nue en train de se faire maltraiter (fouetter, me semble-t-il) par les japonais.

— L’autre souvenir que Katja m’a raconté, c’est qu’un enfant du camp était tombé dans la mare des fèces, qu’il en avait été sorti, mais qu’il était mort des suites d’une infection. Je la revois m’expliquant pourquoi on mourait de tomber dans une telle fosse [5]...

Terribles souvenirs ! Qui ressemblent à des flashes, des images furtives. Katja avait depuis toujours détesté entendre des japonais parler. Elle disait que cette langue était trop violente [6].

Elle nous avait aussi raconté qu’ils avaient droit à un petit bout de jardin, et que sa mère, ses grandes sœurs et sa tante montaient la garde jour et nuit pour ne pas se faire voler ce qui y poussait. C’est d’ailleurs sa tante qui lui a appris à lire et à écrire, dans le camp. Ses sœurs et son frère avaient accumulé un énorme retard scolaire à leur retour aux Pays-Bas. Je crois que Katja est la seule a avoir pu s’en sortir scolairement (elle était brillante, si mes souvenirs sont bons, elle avait obtenu assez facilement un bac. en Lettres classiques).

Je fournis quelques explications sur les jardins : le camp n’était pas à proprement parler un camp, c’était plutôt un ghetto. C’était un quartier de Batavia (Jakarta) qui avait été fermé, et dans lequel les néerlandais furent entassés. Et il y avait effectivement des jardinets.

Pour ce qui est du camp des hommes, on peut peut-être demander à notre cousine ? Elle en saura peut-être plus, sa mère était plus âgée à l’époque et peut-être plus loquace ensuite ?


♦ ♦


À Paris, square des Peupliers


J’avais bien entendu parler de la déportation du père de Katja mais à lire Romain je découvre la possibilité qu’il ait été envoyé en Allemagne. Pour autant, si les prisonniers mâles adultes étaient destinés au travail forcé par l’armée impériale japonaise son empire ne manquait pas de projets avides de main d’œuvre en Malaisie [7] ou en Birmanie [8].

L’incertitude et même le mystère demeurent donc quant au lieu de déportation du père, car l’absence de son seul patronyme dans la nomenclature des registres britanniques dressant la liste de la population libérée des camps ne plaide pas pour sa présence à Batavia. Si les américains ont libéré d’autres camps à Java ou en Indonésie, ils ne paraissent pas, ni les néerlandais, avoir publié leurs listes. Il se pourrait aussi que son statut d’administrateur du port lui ait valu un éloignement ou un traitement particuliers sur lesquels lui-même à son retour n’ait pas souhaité se répandre en explications, afin de ne pas tourmenter davantage sa famille. Les registres des déportés libérés dans leurs lieux de déportation ne paraissent pas accessibles sur Internet. Ou simplement, du fait de sa haute compétence et des informations techniques et administratives, certainement difficiles à remplacer dans le cas de la poursuite de l’activité du port, comme Céline pense qu’au moment de la Libération il se trouvait à Batavia, (mais il me semble que Katja m’ait parlé d’une déportation), aurait-il été contraint en tant que prisonnier d’assister l’administration japonaise dans cette tâche, — sous la pression d’une menace contre sa famille détenue à Tjideng ? Mais c’est peu probable sinon l’information aurait été transmise.

À lire Romain et Céline, qui m’ont permis de corriger les dates biographiques dans l’hommage, si Romain m’a appris le nombre de frères et sœurs de Katja, d’après Céline les quatre enfants auraient été reclus avec leur mère à Tjideng. Toujours selon le registre dressé par les Anglais [9] à la libération des camps, en 1945, cinq personnes sont reportées au nom de Bottemanne-Dumont C, un nom composé qui comprend le patronyme familial et le nom de jeune fille de la mère de Katja, ainsi que l’initiale de son prénom, Catherine [10]. Aucune incertitude sur le fait qu’elle se trouvât au moins avec ses filles et libérée avec elles. Mais la tante évoquée par Céline portait-elle un autre nom (était-elle la sœur ou la belle sœur de Catherine) ? Si la tante portait par alliance un autre patronyme, alors les quatre enfants ensemble ont bien été libérés en même temps que leur mère. Dans ce cas, le frère séparé des femmes aurait été déplacé dans une partie divisée du même camp [11] – où il aurait trouvé son oncle ?

Toutefois au même registre on trouve les noms groupés « Dumont-van Dijl, H.W. » au compte de deux personnes, à Adek, un autre camp de Batavia [12] : l’oncle et la tante maternels ultérieurement déplacés dans un autre camp ? Car on apprend encore, à parcourir en ligne ce qui est accessible dans Google Books du livre de Lydia Chagoll (cité ici en note et en post-scriptum), sur son propre internement à Batavia, que les Japonais ne cessaient de déplacer des prisonniers d’un camp à l’autre dans Batavia et dans Java. On y apprend aussi qu’un second camp – terrible – exista à la fin de la guerre sous le nom de Tjideng II – en réalité le même ghetto que le premier mais transformé durant la dernière année, appauvri avec des règles durcies, une population sur-multipliée, des maisons sans porte ni fenêtres, et dans certaines maisons pas loin d’une centaine de personnes à la fois, forcément ne pouvant dormir... le camp est alors passé sous la direction du sinistre Capitaine Kenichi Sonei [13] d’une cruauté notoire, et cette dernière année la nourriture qui n’avait cessé de se réduire depuis 1942 finit par manquer radicalement.

Ainsi pourrait s’expliquer que l’échange de la montre paternelle contre une bouteille d’huile, dont une cuillerée administrée chaque jour aux enfants par la mère lui aurait permis de les protéger du pire de la sous alimentation, ait eu lieu tardivement. De telle sorte qu’une bouteille de la taille d’un magnum tel qu’il s’utilisait alors pour stocker des liquides alimentaires, ou même une bouteille ordinaire, aient pu suffire jusqu’à la fin [14].

Ce que nous avons déjà relevé à propos du père de Katja, c’est que nulle part ailleurs sinon au titre de la mère le patronyme « Bottemanne » n’apparaît dans la recension des prisonniers néerlandais des divers camps de Batavia, tous libérés par les Britanniques en 1945.

À la question du pourquoi Katja et surtout ses parents auraient pu paraître peu diserts sur ce qui leur était arrivé, il semble que quelques raisons majeures puissent l’expliquer :

— Sans doute qu’à l’instar des déportés français de retour d’Allemagne les déportés d’Indonésie de retour en Europe ne s’exprimèrent pas ou peu sur ce qui leur arriva – à la fois pour éviter la réactivation du traumatisme subi et pour se protéger d’une honte coupable, pudeur anticipant la peur de ne pas être crédibles, devant l’ignorance des autres. D’autre part, lorsque les rescapés les plus atteints par leur détention furent rapatriés aux Pays-Bas, ils débarquèrent dans un pays ruiné où régnait la misère, dont la société avait enduré les pires violences et les pires privations, particulièrement au début de la guerre avec le bombardement de Rotterdam, et à la fin avec la famine organisée par les forces d’occupation nazi — et pendant leur repli [15]. Tandis qu’au long de la guerre la population juive avait été généralement reléguée et dénoncée, puis raflée dans les pays collaborateurs du nazisme pour être déportée, et les détenus finalement rassemblés dans des camps d’extermination selon le projet d’Hitler, comme cela venait d’être révélé sans conteste au cours de la Libération dans l’hémisphère nord.

— L’horreur de la guerre sans merci qui venait de toucher les métropoles du colonialisme, maintenant à l’ouvrage de restaurer leurs démocraties et leurs économies disparues dans une Europe exsangue, dont les séquelles ne faisaient que commencer d’apparaître, prima certainement sur celle distante des colonies, dans les préoccupations néerlandaises in situ. Ainsi le souvenir vif des déportés néerlandais des Indes orientales occupées par les Japonais fut-il injustement floué et dut-il être refoulé dans un rapport de la signification publique de la souffrance entre le peuple natif, le peuple déplacé, et les populations déportées par les nazis en Europe.

— Enfin, la déportation lointaine par une des puissances de l’Axe dans une terre coloniale – natifs et colons – occupée par l’une d’entre elles, le Japon, où une guerre d’indépendance nationale radicale contre le colonialisme néerlandais s’entrelaça et succéda sans délai à cette occupation [16] , alors qu’une partie de la population néerlandaise expatriée était restée sur place, a certainement causé un changement immédiat dans l’ordre du jour des préoccupations gouvernementales aux Pays-Bas. Ce qui finit sans doute par s’établir de façon durable dans la mémoire populaire nationale, après que l’indépendance de l’Indonésie fut proclamée, les derniers habitants néerlandais étant à leur tour rapatriés. Cette situation ne favorisait pas une loi mémorielle car elle n’aurait pu suffire sans la reconnaissance après coup de l’abus de la colonisation.

On peut déplorer le manque d’informations des sources publiques pour palier à la rareté des sources privées, vient alors la réflexion suivante [17] : Sans me permettre de discuter largement la question morale ou le bien fondé social des lois mémorielles sur les désastres de l’humanité criminelle, en cette année de commémoration incontestée de la Shoah, et de l’ethnocide des Arméniens en Turquie une guerre avant, il paraît pourtant difficile d’ignorer combien la multiplication contradictoire des opportunités criminelles ethnocides y compris de masse, constituant des crimes imprescriptibles, depuis la première guerre mondiale jusqu’à nos jours, laisse de sentiments d’injustice voire d’amertume parmi ceux dont les victimes ne sont pas reconnues par tous, alors que cela constitue une partie des actes historiques engageant des responsabilités collectives.

Forcément il ne pourrait y avoir d’addition infinie de lois mémorielles qui ne finisse par étouffer complètement les libertés individuelles et sociales des vivants, non seulement par rapport au passé mais de plus dans un monde où de tels crimes ne cessent de se démultiplier et de se développer inéluctablement, avec le marché des armes, sous diverses formes et sous d’autres noms, et à de multiples titres. Mais à la conscience de ceux dépourvus des informations nécessaires pour accomplir leur deuil, que cela accable, même des décennies après, il ne peut y avoir de privilège de la surenchère ni de la loi qui justifie l’ellipse d’autres événements de l’histoire, face à ceux érigés en sanctuaire, sauf dans une abnégation coupable de soi – de se plaindre pour le moindre – ou le refoulement d’un sentiment d’injustice, si dans le meilleur des cas les gens se taisent. Alors, il n’est pas certain que les lois mémorielles soient une bonne façon collective de la société (sauf probablement de la part des nations responsables des crimes commis) de sanctuariser les horreurs de telle sorte que justice soit également rendue à tous les descendants des victimes de l’histoire, ni pour empêcher le recommencement de l’horreur, dans sa migration vers d’autres cas.

On peut considérer que l’empire du Japon avant même de rejoindre les forces de l’Axe en 1940 présida à des actes ethnocides durant l’occupation de la Chine, puis de l’Asie et des Indes orientales (population blanche inclus fut-elle coloniale), et on voit aussi que les témoignages et les archives commencent à émerger des publications signées par des protagonistes ou leurs héritiers, en anglais ou en néerlandais, ou par les administrations britannique et néerlandaise parvenues à l’échéance de devoir échanger et libérer l’information publique de leurs archives. Ce n’est qu’une question de temps.

Tout mon souvenir de Katja au-delà de ce qu’elle ait pu évoquer à mes oreilles par des mots crus et sans langue de bois sur ce qu’elle et sa famille avaient enduré, quelle que fût sa position, c’est que sa vision au-dessus des faits en-deçà était celle d’une femme de gauche, et au bout du compte forcément anti-colonialiste. Pourtant elle ne manquait pas d’évoquer brièvement les violences subies de nouveau par les néerlandais restés sur place pendant la guerre de la décolonisation. Ce qui ne lui rendait pas aisé de problématiser un récit, d’où qu’il arrivât sous la forme de fragments, déjà rares dans sa propre mémoire dû à un certain silence familial, et qu’elle n’en ait pas cherché de cohérence explicite. Ce sont des cailloux blancs laissés sur une terre noire...

Rien ne remplace jamais l’effort empirique et personnel de chercher, de comprendre et d’en communiquer le résultat.

Quand les documents n’ont pas disparu, tôt ou tard ils réapparaissent et se synthétisent dans une conjoncture aléatoire au moment voulu – ou non voulu.

A. G-C.

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Un hommage qui recense quelques actes et une biographie de Katja Cavagnac a été publié le 30 janvier 2015 à cette page : www.criticalsecret.net/pour-katja-cavagnac-hommage,164.html.

Un conte dédié à Katja Cavagnac a été publié le 3 février 2015 à cette page : www.criticalsecret.net/pour-katja-cavagnac—la-hollandaise-volante-the-flying-dutch-girl,165.html.


P.-S.

Les trois photographies avec l’autorisation des enfants de Katja Cavagnac et sous leur copyright.

LIENS

- Les pages citées de l’ouvrage de Lydia Chagoll, Une petite enfance dans les camps japonais : baisse la tête, petite peau-blanche dans Google Books.

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- Registre de Tjideng, Batavia, West Java (1945) 

- Un site australien dédié à la description et à la chronologie de l’évolution du ghetto de Tjideng, et des camps à l’intérieur de celui-ci (en anglais, avec des photographies) : « Tjideng, un camp d’internement de femmes et d’enfants ».

- Le témoignage d’un fils et neveu de deux femmes internées de Tjideng après sa visite du camp en 2005 : « Santa Maria in Tjideng » (en anglais).

- Sur les atrocités commises par l’armée japonaise lors de l’occupation durant la seconde guerre mondiale (cela va de la Chine orientale de 1937 à 1945, dont très peu de prisonniers revinrent le mot d’ordre d’extermination ayant été donné - seuls 56 prisonniers en réchappèrent,- jusqu’à Timor et aux Philippines), on peut se reporter au paragraphe « Front Asiatique » de l’article dédié aux prisonniers de guerre de la seconde guerre mondiale dans fr.wikipedia. Où figure une photographie de quatre prisonniers de guerre néerlandais et australiens dénutris, atteints de béri-béri, dans le camp thaïlandais de Tarsau, en 1943.

- L’armée impériale japonaise (fr.wikipedia).

- La recension de l’année 1937 et celle de l’année 1938 ou quelques prémisses de la seconde guerre mondiale (fr.wikipedia).

- En 2008 eut lieu au Royaume Uni une conférence sur l’histoire de la marine à voile au XIXe siècle où la haute contribution néerlandaise rendit hommage à C.J. Bottemanne, l’arrière grand-père paternel de Katja Cavagnac, inventeur connu de la première technique d’étanchéité des goélettes baleinières (son portrait photographique se trouve à la fin du document) qui fonda la the Dutchman Cap. C. J. Bottemanne qui fonda la Compagnie néerlandaise de la pêche à la baleine en 1869 — « History of whaling » (en.wikipedia) :

PDF - 3.3 Mo
Joost C.A. Schokkenbroek
La baleinière néerlandaise de part et d’autre de l’équateur de 1915 à 1885
Musée national de la marine Amsterdam
ECS-conférence 2008 (Aberdeen University)

Notes

[1]

Les témoignages de Romain et Céline reçus par emails en série pour me répondre rapidement, dans le cadre des publications en cours dédiées à Kaja dans notre revue, sont intégralement reproduits ici. Sous réserve de corrections pour supprimer les confusions sur lesquelles il fut finalement possible de statuer, et par conséquent du rétablissement de la syntaxe, ainsi que de quelques corrections typographiques. (A. G-C.)

[2]

Ndlr - Sur le web, en recoupant les dates au voisinage de la guerre avec les requêtes sur le patronyme Bottemanne et sur la ville de Batavia, on trouve le prénom du père de Katja, ainsi prénommé et nommé : Casper Josephus Bottemanne. Ce qui permet de poursuivre les recherches par le même canal.
Si on ne retrouve pas d’information sur son lieu de détention ou de déportation - sans doute conviendrait-il de faire ces requêtes en néerlandais, - par contre, en associant son nom à l’année de sa mort, annoncée par Romain, on découvre l’archive de son acte de décès au registre de la ville de Leyde, où l’on apprend que par sa mère il faisait partie du Cercle Klercq.
Cherchant du côté de son père, on apprend qu’il descend d’une famille ancienne de prélats catholiques dont un réformateur contre les corruptions de la papauté, et d’un marin, capitaine dans la marine marchande, étrangement son homonyme : en fait son propre grand-père paternel (1829 - 1906). Celui-ci après avoir commencé dans la marine marchande entre les Pays-Bas et Batavia, avait prolongé son séjour comme skipper d’une goélette à deux mats qui lui avait été confiée, et de retour aux Pays-Bas il était devenu un spécialiste de la la navigation de la pêche : le premier navigateur néerlandais à introduire une nouvelle technologie d’étanchéité des goélettes pour la pêche à la Baleine, en Islande, après voir vu les américains pêcher le squale dans les eaux équatoriales et expérimenté lui-même cette pêche au large des Indes orientales néerlandaises (voir en post-scriptum le document attaché) ; d’autre part, en 1873, il avait écrit une analyse anticipant la question du dépeuplement des eaux de pêche, citée en 1916 dans la ressource des ouvrages sur la pêche, de Bashford Dean (archive.org), et re-édité en 2011 en anglais et en néerlandais Bevolking En Ontvolking Van Het Vischwater (« Population et dépeuplement des eaux de pêche ») .
Le père de Katja, - le petit-fils - est né aux Pays-Bas, à Velsen ; en dépit de son ascendance maternelle ses parents ne sont pas des expatriés colons, mais portant le nom de son grand père paternel il est manifestement inspiré par sa trace puisque lui-même devient administrateur dans la marine marchande et en tant que spécialiste de la pêche il contribue à l’organisation de la pêche et en tant que Docteur il contribue aux recherches publiées sur le sujet. Il meurt le 5 octobre 1960 à Leiderdorp
Ailleurs encore, dans l’information du Cercle Klercq on apprend qu’il est né le 5 novembre 1900. Encore ailleurs, il est toujours annoncé comme Directeur de l’Institut de la pêche, dépendant du Département des Affaires Économiques de Batavia, lorsqu’en septembre 1946 il est conseiller aux ressources de la pêche dans le cadre de la seconde session de la conférence de la FAO des Nations Unies, qui se tient à Copenhague ; puis dans un rapport ultérieur sans doute définitivement établi pour sa publication en ouvrage de librairie, déposé dans le site archive.org, il est annoncé à la page 73 comme l’« ancien directeur de l’Institut de La pêche en mer des Indes, Batavia » (« BOTTEMANNE, C. J. (AP), Former Head of Institute of Sea Fisheries of the Indies, Batavia. Westeinde 134, Voorburg »). Déjà Batavia est redevenue Jakarta.
Il laisse derrière lui plusieurs articles notamment sur les questions d’écologie des eaux de pêche et un livre publié en anglais en 1959, un an avant sa mort (à 60 ans) : Principles of fisheries development (lien vers le descriptif dans Open Library), publié chez North-Holland Pub. Co. à Amsterdam, encore accessible dans les librairies en ligne telle amazon.

[3]

Ndlr - La rédactrice l’ignorait également. Un tel protocole paraît logiquement possible mais une recherche rapide sur le web n’a pas permis de le confirmer (ni de l’infirmer).

[4]

Voir la note 8 sur le travail forcé, où la fabrication des chaussettes pour les soldats japonais est en effet évoquée à propos du travail forcé des femmes, en légende sous un dessin représentant des travailleurs masculins du chemin de fer en Birmanie.

[5]

Une légende sous un dessin d’époque - dont la collection numérique est évoquée dans les notes suivantes - dit à peu près ceci :
« La maladie — L’hygiène dans les camps était inadéquate. Il y avait un manque d’eau, de savon et de détergents. La disposition des WC produisait des odeurs ... et des problèmes. Dans un tel environnement les maladies se développaient à maintes occasions. Mais très peu de médicaments étaient fournis. Les dysenteries et les diarrhées étaient monnaie courante. Beaucoup des personnes qui avaient faim souffraient d’œdème dû à la malnutrition. Dans certains camps à la fin de la guerre un tiers des gens était malade. Sur les 140.000 internés 20.000 décédèrent. »

[6]

Partout sur la toile lorsqu’on cherche des images de Tjideng on voit des photos de femmes et d’enfants courbés en signe de salut ou de soumission. En fait il s’agit d’un arc que le corps doit décrire si possible sans se plier, simplement en déplaçant le buste et les jambes vers l’avant par rapport aux pieds et en inclinant la tête. Cela devait décrire un arc parfait à l’heure du levant vers le Nord, où se localisait le Japon et son empereur auquel était dédié cette figure, l’hôte des camps à travers l’armée par procuration. La figure s’exécutait en rythme sous des ordres protocolaires hurlés sèchement. On comprend que l’équilibre et la souplesse requis pour exécuter la figure ne furent pas faciles à tenir d’autant plus par des personnes dénutries ou malades. L’imperfection valait des punitions (Tjideng, un camp de femmes et d’enfants).

[7]

Sur les déportations vers la Malaisie et la Thaïlande on dispose d’un témoignage précis des déplacements d’un capitaine après la reddition de la marine néerlandaise dans les eaux de Java, grand père du rédacteur du blog qui cite les documents : Diary of a POW (Journal d’un prisonnier de guerre).

[8]

Dans l’exposition numérique des caricatures d’époque réalisées sur place, on peut lire cette information en légende d’un dessin :
« Travailleurs forcés — Des milliers de prisonniers de guerre et des ouvriers locaux travaillèrent sur le chemin de fer en Birmanie, à travers les jungles de la Birmanie et de la Thaïlande. Le travail était dur, les conditions étaient mauvaises. Beaucoup périrent. D’autres travaillaient dans les mines ou dans les ports ou envoyés sur les aéroports. Les femmes furent contraintes de tricoter des chaussettes, de coudre des casquettes, ou d’élever des porcs pour les soldats japonais... »

[9]

Voir le lien en post-scriptum.

[10]

D’après la confirmation de Guy Cavagnac lors d’une conversation téléphonique.

[11]

Les garçons étaient séparés à seize ans, les mères ignoraient pour quelle destination. C’est donc à leur libération que Katja et sa famille apprirent où se trouvait le garçon de la famille. Encore une fois, c’est dans le petit musée numérique des caricatures des camps qu’en légende d’un dessin on peut trouver les quelques informations reportées ici (traduction approximative du néerlandais au français) :
 « Les garçons — D’abord les garçons de moins de 16 ans vivaient avec leurs mères dans les camps des femmes. À partir de 1944 ils furent internés dans des camps de garçons ou des camps d’hommes. Souvent les mères ne savaient pas où ils allaient. Désormais les garçons devaient prendre soin d’eux et faire face par leurs propres moyens à avoir des vêtements à leur taille. Ils donnaient dans la contrebande et dérobaient de la nourriture pour avoir des rations supplémentaires. Ils avaient leurs propres tâches : le ramassage des ordures, les déplacements (les déménagements de prisonniers), s’occuper des cadavres. »
 

[12]

On peut lire des informations précises sur les différents camps de Batavia à partir de la page 21 du livre francophone de Lydia Chagoll, re-édité aux Éditions Luc Pire, collection Voix Personnelles, à Bruxelles (2006) : Une petite enfance dans les camps japonais : baisse la tête, petite peau-blanche (amazon).
Enfant et avec sa famille juive fuyant l’arrivée des allemands en 1940 en Belgique, ils arrivent à Java où presque aussitôt son père se retrouve intégré dans l’armée néerlandaise contre les Japonais et sans délai fait prisonnier, et le reste de la famille ne tarde pas à être interné parmi les civils néerlandais. Ce qui explique ce livre exceptionnellement écrit en français sur l’occupation nipponne des Indes orientales néerlandaises (les autres livres étant en anglais ou en néerlandais).

[13]

On apprend sur cette période dans le site Tjideng, un camp d’internement de femmes et d’enfants cité en post scriptum - ici un extrait traduit rapidement :
« En raison de la surpopulation les portes avaient été enlevées et utilisées comme bois de chauffage. Chaque pièce [vu la surpopulation] ayant besoin de sa propre sortie extérieure avait ses fenêtres enlevées ainsi que leurs murs de sous-bassement retirés, laissant maintenant les habitants davantage exposés aux éléments. Certaines des plus grandes maisons déclaraient plus de 80 habitants ! L’homme responsable de la production de ces conditions était le lieutenant (plus tard capitaine) Kenichi Sonei. Pendant quinze mois, d’avril 1944 à juin 1945, le camp fut sous le commandement de l’infâme capitaine Kenichi Sonei. Il arrivait du camp des prisonniers de guerre du 10e Bataillon à Batavia plus connu comme le « Camp Cycle » [rassemblant également des militaires australiens]. Il était renommé pour sa cruauté en particulier lorsque la lune était pleine. Beaucoup de ses actes les plus barbares eurent lieu à ce moment là. Pendant la durée de sa direction la population du camp passa de 5286 à 10300 personnes. »

[14]

On peut encore se reporter aux caricatures exposées dans le petit musée en ligne déjà cité à propos du travail forcé... Ici il est dit en légende de l’image, à peu près ceci :
« Manger en captivité — Au début de la guerre il y avait assez de nourriture, mais peu à peu le manque d’approvisionnement empira. Tous les aliments manquaient. Dans la plupart des camps c’était principalement un aliment de soupe cuite dans de grands fûts. Les tâches telles que l’allumage et l’entretien du feu de cuisson, l’eau, le nettoyage des légumes, la cuisine et la distribution de la nourriture faisaient partie des corvées de cuisine. Les parts étaient précisément pesées. En 1944 et 1945 le manque de nourriture concerna à la fois l’intérieur et l’extérieur des camps affamés. »

[15]

« Alors que le temps de l’ordre de notre départ pour l’Europe était décompté et nous musardions, le peuple hollandais endurant la famine créée par l’armée allemande qui battait en retraite fut réduit à manger des bulbes de tulipes et du cuir de chaussures... Pendant que nous attendions, le chaos éclatait à travers l’Europe de l’Est où les restes moribonds des forces armées de l’Allemagne nazie combattaient l’Armée Rouge russe à mort, sur un front qui s’étendait de la Baltique à Dantzig. [...] » Harry Leslie Smith, « Noël 1944 », trad. de « Christmas 1944 » (923thebook’s Blog) par Louise Desrenards, La revue des ressources, 22 décembre 2014.

[16]

Comme stipulé dans l’hommage qui inaugure le cycle de ces trois articles dédiés à Katja Cavagnac, le mouvement nationaliste était déjà en marche avant la guerre de telle sorte que les Japonais furent d’abord bien accueillis par la population native avant d’être considérés comme d’autres oppresseurs, de même que les Anglais débarquant pour libérer Java en 1945 commencèrent par rencontrer une opposition armée des forces indépendantistes.
« La proclamation de l’indépendance de l’Indonésie, en indonésien Proklamasi Kemerdekaan Indonesia, a été lue par Soekarno en présence de Hatta [représentant les Musulmans], à 10 h du matin, le vendredi 17 août 1945, deux jours après la fin de la Seconde Guerre mondiale » (fr.wikipedia).
Pour avoir un aperçu des suites difficiles entre les décolonisateurs et l’armée puis l’administration néerlandaises on peut lire le chapitre « Les premières années d’indépendance » dans l’article « Histoire de l’Indonésie », (fr.wikipédia - suivre le lien).
Il est possible de comparer avec la situation dans les colonies françaises au même moment. Par exemple en Algérie, le mouvement nationaliste algérien en formation dès 1943 s’exprima pour l’indépendance nationale à la fin de la seconde guerre mondiale. Un cortège d’environ dix mille personnes aux mots d’ordre indépendantistes, formant une manifestation parallèle autorisée, pacifique, durant la grande manifestation française de Sétif pour célébrer la victoire contre les forces de l’Axe, fut atrocement réprimé par la gendarmerie coloniale et l’armée françaises et reste dans l’histoire sous le terme de Massacre de Sétif, massacre suivi par ceux de Guelma et de Kherrata.
On ne connaît pas de sommets aussi meurtriers du fait des Néerlandais durant la guerre d’indépendance en Indonésie, indépendance qui fut réglée dès la fin des années 1940. Les répressions françaises faisant des dizaines de milliers de morts anticipèrent la détermination du soulèvement de 1954 dont on connaît la suite dite « Guerre d’Algérie » et sa violence jusqu’à l’indépendance nationale de l’Algérie le 5 juillet 1962.

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Ndlr - il s’agit d’une réflexion qui n’engage que le rédacteur signé répondant aux deux témoignages.
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