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#AaronSwartz La liberté sur Internet après SOPA / After SOPA @ F2C May 2012

2013 Carnet janvier-février : Part.1

mercredi 13 février 2013, par Louise Desrenards (Traduction), Aaron Swartz

Fighting the bigger fight / Lutter pour un combat plus grand.

I’m afraid that Aaron’s legacy is going to be dumbed down to ’hacker,’ ’copyfighter,’ the way the media dumbed down the SOPA fight to Google versus the telephone companies.
So let’s not forget that Aaron fought the bigger fights : the fight for access, the fight for justice, the fight for democracy, the fight for us, for this community, and for the greater community that is all humankind.

« J’ai peur que l’héritage d’Aaron ne soit bêtement rabaissé au pirate informatique ou à l’adversaire du copyright, à la manière dont les médias abaissent la lutte contre SOPA en la tirant pour Google contre les opérateurs de la téléphonie.
Donc, surtout n’oublions pas que Aaron a lutté pour un combat plus grand : la lutte pour l’accès, la lutte pour la justice, la lutte pour la démocratie, la lutte pour nous, pour cette communauté, et pour la plus grande communauté qu’est l’humanité tout entière.
 »

David Isenberg (Freedom to Connect) [1]
at Aaron’s NYC memorial service.

      Au moment où la cybersécurité et le "Cyber Intelligence Sharing and Protection Act" ou CISPA réapparaissent à l’ordre du jour du Président Obama [2], avec une marque d’autant plus inquiétante qu’elle réfère à la Défense, sous les termes introduisant les services secrets, alors que l’attente demeure sur la réponse présidentielle aux pétitions contre la procureure fédérale du Massachusett et son procureur adjoint, Carmen Ortiz et Steve Heymann, qui ont impliqué les services secrets avec le personnel du MiT le faisant agir contre le 4e amendement, et sont considérés comme responsables d’avoir poussé Aaron Swartz à la mort, il va de soi qu’on est amené à se poser de sérieuses questions sur l’ingérence du tribunal suprême et par conséquent du gouvernement lui-même dans la procédure de l’investigation pour le dénuement, l’inculpation, et la répression les plus durs, déployés et annoncés au long de deux ans à l’encontre de Aaron Swartz (depuis le 19 juillet 2011 où il fut arrêté), pour un acte sans commune mesure commis en 2010, alors qu’à la fin de 2011 et au début de 2012 Swartz était en même temps l’animateur victorieux de la campagne civique contre la loi SOPA (et par conséquent nullement décrédibilisé par son exploit de 2010 (JSTOR) pour lequel il était poursuivi).
      Entendre Aaron Swartz en mai 2012 à Washington D.C. lors des rencontres de l’organisation Freedom To Connect est d’autant plus bouleversant qu’il y apparaît ému au moment des applaudissements, et doublement instructif à considérer la conclusion de son exposé en regard de ce qui arrive.
      Concernant l’énergie individuelle et collective qui avait été déployée pour stopper les lois SOPA et PIPA, savoir comment le Congrès américain va se comporter sur les dispositions renouvelées plus durement sous d’autres titres, déjà en préparation avant la disparition de A. Swartz [3], et si les gens déprimés après qu’il se soit tué seront de nouveau capables de déployer l’énergie civique nécessaire pour y faire face, est réellement une question importante pour ceux qui s’intéressent à l’avenir des libertés individuelles et des égalités sociales, à l’information pour tous, et notamment à l’avenir d’Internet et de sa population connectée dans le monde. Ainsi qu’à la possibilité (ou non) de l’impact de l’activisme civique communicationnel civil et parlementaire dans le réaménagement des nouvelles lois. (L. D.)


AARON SWARTZ Carnet de janvier-février_Notebooks of January-February : Sommaire / Contents.



« Comment nous avons arrêté SOPA »
"How we stopped SOPA" (F2C, May 2012)


Exposé de Aaron Swartz aux Rencontres 2012 de Freedom To Connect, le 14 mai 2012, à Washington D.C. How we stopped SOPA.

Traduction intégrale libre, d’après la retranscription originale de la vidéo de F2C, extraite de l’hommage de Democracy Now ! (lire la retranscription originale en anglais : [4]).


F2C2012 : Aaron Swartz keynote - “How we stopped SOPA”, 2012

http://youtu.be/Fgh2dFngFsg


> Aaron Swartz :

Alors, pour moi, tout a commencé pour un appel téléphonique. C’était en Septembre — pas l’année dernière, mais l’année d’avant, Septembre 2010. J’ai reçu un appel téléphonique de mon ami Peter. « Aaron », il a dit, « il y a une loi étonnante sur laquelle tu devrais jeter un coup d’oeil. » « C’est quoi ? » j’ai dit, « On l’appelle la loi COICA [5], la lutte contre les infractions en ligne et les contrefaçons. » « Mais, Peter, » j’ai dit, « je ne m’occupe pas du droit d’auteur. Tu as peut-être raison. Hollywood a peut-être raison. Quoiqu’il en soit où est l’enjeu ? Je ne veux pas perdre mon temps en querelles sur un détail comme le droit d’auteur. Les questions sur lesquelles je travaille sont la santé, la réforme financière. Pas quelque chose d’obscur comme le droit d’auteur. » Je pouvais entendre Peter grogner dans le fond. « Écoute, je n’ai pas le temps de discuter avec toi », il m’a dit, « mais ce n’est pas grave pour le moment, comme ce n’est pas un projet de loi sur les droits d’auteur. » « Ce n’est pas le cas ? » « Non, » a-t-il dit, « C’est un projet de loi sur la liberté de se connecter. » Maintenant, je l’écoutai.

Alors Peter m’expliqua ce que vous avez probablement tous appris depuis longtemps, que ce projet de loi allait permettre au gouvernement de concevoir une liste de sites que les Américains ne seraient pas autorisés à aller visiter. Le lendemain, j’en suis venu à expliquer cela aux gens, de toutes sortes de façons. J’ai dit que c’était un grand pare-feu de l’Amérique. J’ai dit que c’était une liste noire sur Internet. J’ai dit que c’était la censure en ligne. Mais je pense que cela vaut la peine de prendre un peu de recul, en mettant de côté toute la rhétorique, pour penser juste un instant à ce qu’était vraiment la radicalité de ce projet de loi. Bien sûr, il y a de nombreuses circonstances où le gouvernement impose des règles sur la parole. Si vous calomniez une personnalité privée, si vous payez la télévision pour faire une publicité mensongère,, si vous faites une boom sauvage où on de la musique à fond toute la nuit, dans tous ces cas, le gouvernement peut venir vous arrêter. Mais c’était quelque chose de radicalement différent. Ce n’était pas le gouvernement allant voir des gens pour anéantir un matériau illégal particulier ; c’était entièrement fermer des sites Web. Pour l’essentiel, c’était totalement empêcher les américains de communiquer avec certains groupes. Il n’y a vraiment rien de semblable dans la loi américaine. Si vous jouez à fond de la musique toute la nuit, le gouvernement ne vous gifle pas d’une ordonnance vous enjoignant de rester muet pendant les deux semaines suivantes. Il ne vous dit pas que plus personne ne peut faire de bruit à l’intérieur de votre maison. Il y a une réclamation particulière, pour vous demander d’y remédier spécifiquement, et puis votre vie continue.

L’exemple le plus proche que j’ai pu trouver était un cas où le gouvernement guerroyait contre une librairie pour adultes. Le lieu était considéré comme vendant de la pornographie, le gouvernement considéra que remiser de la pornographie était illégal. Finalement frustrés, ils ont décidé de fermer toute la librairie une fois pour toutes. Mais au bout du compte même cela fut déclaré inconstitutionnel, en violation du Premier Amendement.

Alors, me direz-vous, sûrement que COICA aurait été déclaré inconstitutionnel de la même façon. Mais je savais que la Cour suprême avait une tache aveugle sur le Premier Amendement, plus que toute autre chose, plus que la calomnie ou la diffamation, plus que la pornographie, et même plus que la pornographie enfantine. Leur tache aveugle était le droit d’auteur. Quand elle en est venue au droit d’auteur, c’était comme si une partie du cerveau des juges était éteinte, tout simplement ils avaient juste oublié le Premier Amendement en totalité. On a le sentiment qu’au fond ils n’avaient même pas pensé que le premier amendement fût applicable lorsque le droit d’auteur était en cause, ce qui signifia que s’ils voulaient censurer l’Internet, en quelque sorte arriver à ce que le gouvernement pût interdire l’accès à certains sites web, et bien il était possible que ce projet de loi eût comme chemin le droit d’auteur. S’il s’était s’agi de la pornographie, la loi aurait probablement été annulée par les tribunaux, tout comme le cas de la librairie pour adultes. Mais si vous prétendiez que c’était à propos du droit d’auteur, tout pouvait parfaitement s’y faufiler.

Et c’est particulièrement terrifiant, parce que, comme vous le savez, le droit d’auteur est partout. Si vous voulez arrêter WikiLeaks, c’est un peu exagéré de prétendre que vous le faites parce qu’ils donnent trop dans la pornographie, mais ce n’est absolument pas difficile de prétendre que Wikileaks viole le droit d’auteur, comme tout est sous copyright. Ce discours, c’est-à-dire ce que je suis en train de faire ici, et bien ces mots là sont protégés par le copyright. Or il est tellement facile de copier quelque chose accidentellement, c’est en effet si facile, que le principal soutien républicain de la COICA, Orrin Hatch lui-même, avait illégalement copié un tas de sources dans son propre site web au Sénat. Alors, si le même le site sénatorial d’Orrin Hatch a pu être trouvé en train de violer le droit d’auteur, quelles chances y aurait-il de ne pas trouver quelque chose pouvant être épinglé chez chacun de nous ?

Il y a une bataille en cours actuellement, une lutte pour définir en termes d’objets traditionnels compris dans la loi tout ce qui se passe sur Internet. Le partage d’une vidéo sur BitTorrent est-ce comme un vol à l’étalage dans un magasin de films ? Ou encore est-ce comme prêter une cassette vidéo à un ami ? Est-ce que le rechargement d’une page Web maintes et maintes fois est un sit-in virtuel pacifique ou un coup violent dans une vitrine ? La liberté de se connecter est-elle une liberté de parole ou une liberté d’assassiner ?

Ce projet de loi allait être une perte énorme, potentiellement durable. Si nous perdions la capacité de communiquer les uns avec les autres sur l’Internet, ce serait un changement par rapport à la charte des droits. Les libertés garanties par notre constitution, les libertés sur lesquelles notre pays a été construit, seraient tout à coup supprimées. Les nouvelles technologies, au lieu de nous apporter une plus grande liberté, auraient étouffé les droits fondamentaux que nous avions toujours tenus pour acquis. Et j’ai réalisé ce jour-là, en parlant à Peter, que je ne pouvais pas laisser faire ça.

Mais ça allait se faire. La loi, la COICA, fut introduite le 20 Septembre 2010, un lundi, et dans le communiqué de presse annonçant la mise en place du projet de loi, elle était prévue tout compte fait pour être votée trois jours plus tard, le 23 Septembre. Et alors que, bien sûr, il allait y avoir un scrutin — vous ne pouvez pas passer un projet de loi sans le soumettre aux voix, — les résultats du vote étaient déjà connus d’avance, parce que si vous regardiez l’introduction du texte, il ne venait pas tout juste d’être présenté par quelque membre voyou excentrique du Congrès, il était introduit par le président de la commission judiciaire et coparrainé par presque tous les autres membres, républicains et démocrates. Donc, oui, il allait y avoir un vote, mais ça n’allait vraiment pas être une surprise, parce que presque tous ceux qui allaient voter avaient leur nom signé sur le texte de la loi avant même qu’elle ne soit passée.

Maintenant, je ne peux m’empêcher de noter comme cet acte expéditif était rare. Ce n’est absolument pas la façon de travailler du Congrès. Je ne parle pas de la façon dont le Congrès devrait fonctionner, comme vous le voyez sur Schoolhouse Rock [6]. Je veux dire que ce n’est pas la façon dont fonctionne réellement le Congrès. Je crois, en fait, que nous savons tous que le Congrès est une zone morte, due au blocage et au dysfonctionnement. Il y a des mois de débats et de magouilles et d’audiences, et de tactiques dilatoires. Je veux dire par là, vous savez, que tout d’abord vous êtes censé annoncer que vous allez tenir des audiences sur un problème, puis dire les jours où les experts vont parler de la question, et ensuite vous devez proposer une solution possible, procurer une idée pour le retour des experts sur le sujet, ensuite les autres membres ont des solutions différentes, et ils les proposent, et vous passez des montagnes de temps à débattre, et il y a un tas de négociations, afin de rallier des membres à votre cause. Enfin, vous passez des heures à parler seul à seul avec les personnes différentes du débat, vous essayez de revenir à une sorte de compromis, que vous bricolez dans d’interminables réunions en coulisses. Et quand tout ça est fait, vous le prenez, et vous le soumettez ligne par ligne à l’examen du public, pour voir si certains ont des objections ou veulent apporter des modifications. Et puis, vous avez le droit d’accéder au vote. C’est un douloureux processus, ardu. Il ne suffit pas d’introduire un projet de loi le lundi, pour le passer à l’unanimité quelques jours plus tard. Cela ne se fait pas au Congrès.

Mais cette fois, ça allait se produire. Et ce n’était pas faute de désaccord sur la question. Il y a toujours des désaccords. Certains sénateurs pensaient que loi était beaucoup trop faible et devait être plus forte : vu la façon dont le texte avait été rédigé il autorisait seulement le gouvernement à fermer les sites Web, et ces sénateurs voulaient que toute consortium où que ce soit dans le monde ait le pouvoir d’obtenir l’arrêt d’un site Web. D’autres sénateurs pensaient que c’était un coup trop fort. Mais de toute façon, dans un genre que vous ne verrez jamais autrement à Washington, ils avaient tous réussi à mettre de côté leurs différends personnels pour se rassembler et soutenir ce projet de loi, ils étaient persuadés qu’ils pouvaient tous s’accommoder de la loi qui allait censurer l’Internet. Et quand j’ai vu ça, j’ai réalisé que quelque fut la personne derrière : c’était bon.

Maintenant, la manière typique dont vous disposez pour faire se produire des bonnes choses à Washington, c’est de trouver un tas de riches sociétés qui soient d’accord avec vous. La sécurité sociale n’a pas été adoptée parce que certains politiciens courageux avaient décidé, en leur âme et conscience, qu’ils ne pouvaient pas laisser les personnes âgées mourir de faim dans les rues. Non mais, je plaisante ? La sécurité sociale est passée parce que John D. Rockefeller était malade d’avoir à soustraire de l’argent de ses bénéfices pour payer les fonds de pension pour ses ouvriers. Pourquoi le faire, quand on peut simplement laisser le gouvernement prendre l’argent des travailleurs à la place ? Sur ce point, mon problème n’est pas que la sécurité sociale soit une mauvaise chose, je pense que c’est fantastique. C’est juste que la façon dont on amène le gouvernement à faire des choses fantastiques, ce soit de trouver une grande entreprise prête à les soutenir. Le problème, bien sûr, c’est que les grandes entreprises ne soient pas vraiment d’énormes fans des libertés civiles. Vous savez, ce n’est pas qu’elles soient contre, c’est juste qu’il y ait peu d’argent dans les libertés civiles.

À présent, si vous avez lu la presse, vous n’avez probablement pas entendu parler de ce versant de l’histoire : comme Hollywood avait été le raconter, la bonne grande loi du droit d’auteur qui les faisait fonctionner avait été stoppée par les entreprises diaboliques de l’Internet, qui avaient tiré des millions de dollars de la violation du copyright. Sauf que, simplement — ce n’était pas vrai. C’est-à-dire j’y étais, dans les meetings avec les sociétés de l’Internet — à peu près toutes celles qui sont ici aujourd’hui. Et vous savez, si tous leurs bénéfices dépendaient de la violation du copyright, ils auraient misé beaucoup d’argent pour changer le droit d’auteur. Le fait est que les grosses sociétés de l’Internet s’arrangeraient très bien de cette loi si elle passait. Je veux dire qu’elles ne s’en réjouiraient pas particulièrement, mais je doute que la valeur de leurs actions en subirait une baisse sensible. Alors qu’elles ont été contre, mais elles ont été contre, comme le reste d’entre nous, principalement pour des questions de principe. Et le principe ne dispose pas d’une masse d’argent du budget à consacrer aux lobbyistes. Donc, ils ont été pratiques sur la question. « Vous voyez, » ils ont dit, « ce texte de loi va passer. De fait il va probablement passer à l’unanimité. Autant que nous puissions le tenter, ce n’est pas un train que nous soyons en mesure d’arrêter. Alors, on ne va pas soutenir ce projet -– on ne pourrait pas le supporter. Mais en opposition nous allons juste essayer de faire mieux. » Donc la stratégie fut : une pression pour rendre la loi meilleure. Ils avaient des listes de modifications pour rendre la loi moins odieuse ou moins coûteuse pour eux, ou pour qui que ce soit. Mais le fait résultant à la fin de la journée était qu’il allait y avoir un texte de loi pour censurer l’Internet, et qu’il n’y avait rien à faire pour parvenir à l’arrêter.

J’ai donc fait ce qu’on fait toujours quand on est un petit bonhomme avec des côtes en long et peu d’espoir de succès face à un avenir terrible : j’ai commencé une pétition en ligne. J’ai appelé tous mes amis, et nous sommes restés debout toute la nuit à mettre en place un site sur Internet pour ce nouveau groupe, Demand Progress, avec une pétition en ligne contre cette loi délétère, que j’ai envoyée à quelques amis. Pour ne rien vous cacher, avant j’avais fait quelques pétitions en ligne. J’avais travaillé pour quelques-uns des plus grands groupes qui font des pétitions en ligne dans le monde. J’en avais écrit une tonne et j’en avais lu encore plus. Mais je n’avais jamais rien vu de tel. A partir de pratiquement rien, nous sommes montés à 10.000 signataires, à 100.000 signataires, puis 200.000 et 300.000 signataires, en seulement quelques semaines. Et il ne s’agissait pas simplement de signer un nom ; nous demandions aux gens d’appeler le Congrès, de l’appeler d’urgence. Il y avait un vote à venir dans la semaine, à quelques jours e là seulement, et nous devions l’arrêter. En même temps, nous avons parlé à la Presse de cette incroyable pétition en ligne qui décollait. Et nous avons rencontré l’équipe des membres du Congrès et les avons suppliés de retirer leur soutien à ce projet de loi. C’était incroyable, je veux dire. C’était énorme. La puissance de l’Internet se levait avec vigueur contre ce projet de loi… Et puis la voilà adoptée à l’unanimité.

Maintenant, pour être juste, plusieurs membres ont fait de beaux discours avant de voter, et dans leurs discours, ils ont déclaré que leur bureau avait été submergé par des commentaires sur les préoccupations concernant le Premier Amendement soulevées par ce texte, commentaires qui les avaient beaucoup inquiétés, tellement inquiétés, en fait, qu’ils n’étaient pas sûrs de soutenir encore cette loi. Mais même s’ils ne la soutenaient pas, ils ont dit qu’ils allaient voter pour, de toute façon, parce qu’ils avaient besoin de faire avancer le processus, étant certains que tous les problèmes qui s’étaient posés avec ce texte pourraient être réparés ultérieurement. Alors, je vous demande, d’après vous cela résonne-t-il d’après vous comme le devrait Washington, DC ? Depuis quand les membres du Congrès votent pour des choses auxquelles ils s’opposent, juste pour la poursuite du processus ? Je veux dire que peu importait la personne qui était derrière : c’était bon.

Et puis, tout à coup, le processus s’est arrêté. Le sénateur Ron Wyden [7] le démocrate de l’Oregon a mis un frein sur cette loi. En donnant un discours dans lequel il la qualifiait de bombe de pénétration nucléaire contre l’Internet, il annonça qu’il ne la laisserait pas passer sans modification. Et comme vous le savez peut-être, des sénateurs solitaires ne peuvent pas arrêter par eux-mêmes une loi, mais ils peuvent la retarder. En s’opposant à un projet de loi, ils peuvent exiger que le Congrès accorde beaucoup de temps pour en débattre avant de la faire adopter. Et le sénateur Wyden l’a fait. Il nous a fait gagner du temps — beaucoup de temps, en fin de compte. Son effet de retard s’est maintenu tout au long de la fin de cette session du Congrès, de sorte que lorsque la loi est revenue, il a fallu tout recommencer à zéro. Et comme ils allaient tout recommencer à zéro, ils ont pensé, pourquoi ne pas lui donner un nouveau nom ? Et c’est là que ça a commencé à s’appeler PIPA, et finalement SOPA.

Par là il y a eu de cette façon probablement un ou deux ans de retard. Et avec le recul, nous avons utilisé ce temps pour jeter les bases de ce qui allait arriver plus tard. Mais ce n’était pas ce qu’on pouvait en ressentir à l’époque. À l’époque, on avait l’impression d’être allés dire aux gens que ces projets de loi étaient terribles, et qu’en retour ils nous avaient répondu qu’ils pensaient qu’on était fous. Je veux dire que nous étions des enfants errants agitant les bras à propos de la façon dont le gouvernement allait censurer l’Internet. Ça a l’air un peu fou. Vous pourrez demander à Larry [8] demain. J’étais en permanence en train de lui dire ce qui se passait, à essayer de l’impliquer, et je suis quasiment certain qu’il pensait tout simplement que j’exagérais. Même moi j’ai commencé à douter de moi. Ce fut un moment difficile. Mais quand le texte de loi revint et démarra de nouveau, soudain tout le travail que nous avions fait commença à nous rassembler. Tout à coup tous les gens auxquels nous avions parlé à ce sujet commencèrent à s’investir vraiment, et à convaincre d’autres personnes de s’impliquer. Tout démarrait en faisant boule de neige. C’est arrivé tellement vite.

Je me souviens d’une semaine où je dînais avec un ami qui est dans l’industrie de la technologie, et il m’a demandé à quoi je travaillais, alors je lui ai parlé de ce projet de loi. Et il a dit : « Wow ! Un sujet pareil, il faut informer les gens. » Et je jubilais. Puis quelques semaines après, je me souviens d’avoir discuté dans le métro avec cette jolie jeune fille qui n’était pas dans le coup de la technologie, mais qui s’était tournée vers moi quand elle avait entendu mon nom, pour me dire, très sérieusement : « Vous savez, il faut empêcher « SOAP » [9]. ». Donc, un progrès, pas vrai ?

Vous savez, je pense que cette histoire illustre ce qui s’est produit au cours de ces deux semaines, parce que la raison pour laquelle nous avons gagné ce n’était pas parce que j’y travaillais ou Reddit y travaillait ou Google y travaillait, ou Tumblr, ou tout autre protagoniste particulier. C’était parce qu’il y avait cet énorme changement mental dans notre mise en œuvre. Tout le monde pensait aux moyens d’aider, souvent des moyens ingénieux, très intelligents. Les gens ont fait des vidéos. Ils ont fait de l’infographie. Ils ont commencé à faire des comités d’action politiques [10]. Ils ont conçu des annonces. Ils ont acheté des panneaux d’affichage. Ils ont écrit des reportages. Ils ont tenu des réunions. Tout le monde considérait de son devoir d’aider. Je me souviens qu’au cours de cette période, à un moment donné, j’ai eu une réunion avec un groupe de jeunes startups à New York, pour essayer d’encourager chacun à s’impliquer, je m’y sentais un peu comme si j’avais été l’hôte d’une des rencontres mondiales à l’initiative de Clinton, où je suis arrivé à convaincre chaque startup — les fondateurs ou ceux qui pouvaient en avoir l’air dans la salle : « Qu’allez-vous faire ? Qu’est-ce que tu vas faire ? » Et tout le monde essayait de marquer un point sur l’autre.

S’il y a eu un jour où le changement s’est cristallisé, je pense que c’était le jour de l’audience pour SOPA à la Chambre, le jour où nous avons capté cette phrase : « Il n’est plus question qu’on accepte de ne pas se mêler du fonctionnement d’internet. » C’était juste quelque chose que de voir ces membres désemparés débattre au Congrès sur le projet de loi, et de les regarder insister pour dire qu’ils allaient réglementer l’Internet, et que ce n’était pas une masse d’idiots qui pourrait les arrêter. Ils étaient vraiment en train de mettre dans la tête des gens que ce qui arrivait, c’était que le Congrès allait casser l’Internet, et que ça n’allait pas faire un pli.

Je me souviens que d’un moment qui m’a frappé : c’était à une audience, je parlais et je me suis présenté à un sénateur américain, un des plus ardents défenseurs de COICA, la loi à l’origine des autres en fait. Et je lui ai demandé pourquoi, en dépit d’être si progressiste, et malgré un discours en faveur des libertés civiles, pourquoi il soutenait un projet de loi qui censurait Internet. Alors vous connaissez, ce sourire typique des politiciens, tout à coup il a disparu de son visage, et ses yeux ont commencé à s’embraser de colère. Il a commencé à me crier dessus, et a déclaré : « Ces gens de l’Internet, ils pensent qu’ils peuvent être quittes de tout ! Ils pensent qu’ils peuvent mettre n’importe quoi là-dessus, et qu’il n’y a rien que nous puissions faire pour les arrêter ! Ils y ont tout mis ! Ils y ont mis nos missiles nucléaires, et ils se moquent de nous ! Eh bien, nous allons leur montrer ! C’est parti pour aller sous contrôle ! »

Maintenant, pour autant que je sache, personne n’a jamais mis les missiles nucléaires américains sur Internet. Je veux dire, ce n’est pas quelque chose dont j’ai entendu parler. Mais c’est une sorte de degré. Il n’avait pas une préoccupation rationnelle, je me trompe ? C’est cette peur irrationnelle que les choses soient hors de contrôle. Il y avait là cet homme, un sénateur américain, et ces gens sur Internet, tout simplement ils se moquaient de lui. Ils devaient être mis sous contrôle. Les choses devaient être sous contrôle. Et je pense que c’était l’attitude du Congrès. Et de la même façon que voir les yeux du sénateur s’enflammer de colère m’avait fait peur, je pense que ces audiences ont effrayé beaucoup de gens. Ils ont vu que ce n’était pas l’attitude d’un gouvernement réfléchi cherchant à trouver des compromis afin de représenter au mieux ses citoyens. C’était plutôt l’attitude d’un tyran. Et c’est pourquoi les citoyens ont riposté.

Après cette audition le train a roulé assez vite. D’abord, les sénateurs républicains se sont retirés, puis la Maison Blanche a publié une déclaration pour s’opposer au projet de loi, puis les démocrates, laissés tout seuls là-bas, ont annoncé qu’ils mettaient le projet de loi en attente afin de pouvoir tenir quelques discussions supplémentaires avant le vote officiel. Et c’est alors, aussi difficile que cela fut pour moi de le croire après tout ça, que nous avons gagné. La seule chose dont tout le monde avait dit qu’elle était impossible, sur laquelle certains des plus grands consortiums au monde avaient capitulé, était arrivée comme une sorte de rêve. Nous l’avons fait. Nous avons gagné.

Et puis nous avons commencé à nous frotter les mains. Vous savez tous ce qui s’est passé ensuite. Wikipedia a fait un black-out. Reddit a fait un black out. Craigslist a fait un black out. Tout à coup les lignes téléphoniques sur Capitol Hill se sont emmêlées. Les membres du Congrès commencèrent à se précipiter pour diffuser des déclarations de retrait de leur soutien au projet de loi dont ils faisaient la promotion seulement quelques jours avant. Et c’était tout simplement ridicule. Je veux dire, il y a un graphique du moment qui saisit assez bien, d’un côté quelque chose comme le « 14 Janvier » avec la grande et longue liste de noms à l’appui de la loi, et quelques personnes solitaires qui s’y opposent, et de l’autre côté, on écrit « 15 Janvier », et là tout est inversé — tout le monde s’y oppose, sinon quelques noms solitaires encore accrochés à la soutenir.

Je veux dire que c’était vraiment sans précédent. Ne me prenez pas exactement au mot, mais demandez à l’ancien sénateur Chris Dodd, actuellement lobbyiste en chef pour Hollywood. Il a admis, après avoir perdu, qu’il avait orchestré l’ensemble du plan malfaisant. Et il dit au New York Times qu’il n’avait jamais rien vu de tel au cours de ses nombreuses années au sein du Congrès. Et tous les gens à qui j’avais parlé étaient d’accord. Les gens se sont levés, et ils ont provoqué un profond changement à Washington ; non pas la Presse, qui a tout simplement refusé de couvrir les minutes des faits, — par coïncidence, leurs compagnies mères en étant toutes arrivées à faire du lobbying pour la loi, — pas les politiciens, qui étaient à peu près unanimes en faveur de cette loi, ni les entreprises, qui s’étaient résignées, essayant de l’empêcher tout en ayant décidé qu’elle était inévitable. Cette loi a été vraiment été arrêtée par le peuple, par les gens eux-mêmes. Ils ont mis à mort le projet de loi, mort, si mort que maintenant, lorsque les membres du Congrès proposent quelque chose qui touche à l’Internet même, ils doivent faire un discours longtemps à l’avance sur la façon dont ce n’est certainement pas comme SOPA ; tellement mort, que si vous interrogez le staff du Congrès à ce sujet, ils gémissent et hochent la tête comme si c’était simplement un mauvais rêve qu’avec beaucoup de difficulté ils tentent d’oublier, tellement mort qu’il est quelque peu difficile de croire à cette histoire, difficile de se rappeler à quel point tout ça était à deux doigts de passer, difficile de se rappeler comment ça a pu arriver autrement. Mais ce n’était ni un rêve ni un cauchemar, tout ça fut bien réel.

Seulement bien sûr, cela va se reproduire. Bien sûr, il y aura encore un projet avec un autre nom, et peut-être une excuse différente, et probablement causant ses dégâts d’une manière différente. Surtout ne vous méprenez pas : les ennemis de la liberté de se connecter n’ont pas disparu. La foudre dans les yeux de ces hommes politiques n’a pas été éteinte. Il y a beaucoup de gens, beaucoup de gens puissants, qui veulent mettre un frein à l’Internet. Et pour être honnête, il n’y en a pas beaucoup qui ont un intérêt direct à protéger tout ça. Même certaines des plus grandes entreprises, je parle de certaines des plus grandes entreprises d’Internet, pour tout dire, bénéficieraient d’un monde dans lequel leurs petits concurrents pourraient être censurés. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire.

Maintenant, je vous ai raconté ça en guise d’histoire personnelle, en partie parce que je pense que de grandes histoires comme celle-ci sont vraiment plus intéressantes quand elles sont à l’échelle humaine. Le metteur en scène J.D. Walsh affirme que les bonnes histoires devraient être comme l’affiche de Transformers. Il y a un énorme robot du mal sur le côté gauche de l’affiche et une énorme armée nationale sur le côté droit de l’affiche. Et au milieu, en bas, il y a juste une petite famille piégée entre les deux. Les grandes histoires ont besoin d’enjeux humains. Mais surtout, c’est une histoire personnelle, parce que je n’ai pas eu le temps de faire la moindre recherche sur l’autre partie. Mais c’est un peu le but. Nous avons gagné ce combat parce que tout le monde s’est fait le héros de sa propre histoire. Chacun l’a prise pour faire son lot de sauver cette liberté essentielle. Tous se sont jetés dedans. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient penser de faire. Ils n’ont pas cessé de se passer de la permission de quelqu’un. Vous vous rappelez comment les lecteurs de Hacker News avaient spontanément organisé le boycott de Go Daddy à cause de leur soutien à SOPA ? Personne ne leur a dit qu’ils pouvaient le faire. Quelques personnes ont même pensé que c’était une mauvaise idée. Cela n’avait pas d’importance, les sénateurs avaient raison : Internet est vraiment hors de contrôle. Mais si nous oublions, si nous laissons Hollywood réécrire l’histoire selon laquelle c’est la grosse société Google qui a empêché cette loi, si nous les laissons nous persuader que nous ne faisions pas réellement la différence, si nous commençons à nous dire que quelqu’un d’autre a la responsabilité de faire ce travail et que notre boulot c’est de rentrer à la maison et de nous détendre sur le canapé avec du pop-corn pour regarder Transformers, eh bien, la prochaine fois ils pourraient bien gagner. Ne laissons pas cela se produire. 


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"#AaronSwartz La liberté sur Internet après SOPA / After SOPA @ F2C May 2012" by Aaron Swartz (Louise Desrenards translator into French from the transcript of Democracy Now !) is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 Unported License. Based on a work at http://www.criticalsecret.net/aaronswartz-la-liberte-sur-internet-apres-sopa-after-sopa-f2c-may-2012,093.html.


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- Le site DemandProgress se poursuit.


P.-S.


- Ebook and Texts Archive, The Aaron Swartz Collection (Internet Archive).


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Aaron Swartz, pendant le rallye du 18 janvier 2012 organisé
à New York N.Y. par le New York Tech Meet Up contre SOPA
(Source inconnue)


NYTM Stop SOPA Rally 1/18/12. « Midday protest organized by the New York Tech Meetup against the SOPA/PIPA at the offices of cosponsors Kirsten Gillibrand and Chuck Schumer, the Democratic Senators from New York. »
(CC danielsieradski.com).
Dans ce reportage on voit les principaux représentants d’organisations et d’associations parler au micro. La photo de Swartz au micro est légendée ainsi :
Demand Progress founder and director Aaron Swartz said, "Some of the cosponsors are backing away now. You can stop this bill if you don’t stop fighting." ”
(Le fondateur et directeur de Demand Progress Aaron Swartz a dit : « Maintenant certains des co-parrains reculent. Nous pouvons arrêter ce projet de loi si nous n’arrêtons pas de nous battre. »


Notes

[1] Tim Carmody, Memory to myth : tracing Aaron Swartz through the 21st century, “To understand his contributions, we have to look beyond the headlines” (Pour comprendre ses contributions, nous devons regarder au-delà des gros titres) ; The Verge, on January 22, 2013.

[2] Lire Obama’s Executive Order on Cybersecurity May Be Imminent (Le Décret d’Obama sur la cybersécurité pourrait être imminent), Mashable, in US and World, le 12 février 2013.

[3] Voir l’article du 39 avril 2012 Activist decries CISPA as ‘a Patriot Act for the Internet’, au moment du durcissement de l’investigation contre Swartz, dont le retour sur des procédures (pourtant prescrites) afin de multiplier les chefs d’inculpation, et la saisie de la totalité de son patrimoine issu de ses activités légales dans sa spécialité afin d’atteindre le plafond d’une caution de 1.000.000 de dollars, le laissant démuni des ressources nécessaires pour sa défense, et sans recours possible auprès de ses amis pour ne pas entraîner la réprobation des juges régionaux (Lawrence Lessig).

[4] * AARON SWARTZ :

So, for me, it all started with a phone call. It was September—not last year, but the year before that, September 2010. And I got a phone call from my friend Peter. "Aaron," he said, "there’s an amazing bill that you have to take a look at." "What is it ?" I said. "It’s called COICA, the Combating Online Infringement and Counterfeiting Act." "But, Peter," I said, "I don’t care about copyright law. Maybe you’re right. Maybe Hollywood is right. But either way, what’s the big deal ? I’m not going to waste my life fighting over a little issue like copyright. Healthcare, financial reform—those are the issues that I work on, not something obscure like copyright law." I could hear Peter grumbling in the background. "Look, I don’t have time to argue with you," he said, "but it doesn’t matter for right now, because this isn’t a bill about copyright." "It’s not ?" "No," he said. "It’s a bill about the freedom to connect." Now I was listening.

Peter explained what you’ve all probably long since learned, that this bill would let the government devise a list of websites that Americans weren’t allowed to visit. On the next day, I came up with lots of ways to try to explain this to people. I said it was a great firewall of America. I said it was an Internet black list. I said it was online censorship. But I think it’s worth taking a step back, putting aside all the rhetoric and just thinking for a moment about how radical this bill really was. Sure, there are lots of times when the government makes rules about speech. If you slander a private figure, if you buy a television ad that lies to people, if you have a wild party that plays booming music all night, in all these cases, the government can come stop you. But this was something radically different. It wasn’t the government went to people and asked them to take down particular material that was illegal ; it shut down whole websites. Essentially, it stopped Americans from communicating entirely with certain groups. There’s nothing really like it in U.S. law. If you play loud music all night, the government doesn’t slap you with an order requiring you be mute for the next couple weeks. They don’t say nobody can make any more noise inside your house. There’s a specific complaint, which they ask you to specifically remedy, and then your life goes on.

The closest example I could find was a case where the government was at war with an adult bookstore. The place kept selling pornography ; the government kept getting the porn declared illegal. And then, frustrated, they decided to shut the whole bookstore down. But even that was eventually declared unconstitutional, a violation of the First Amendment.

So, you might say, surely COICA would get declared unconstitutional, as well. But I knew that the Supreme Court had a blind spot around the First Amendment, more than anything else, more than slander or libel, more than pornography, more even than child pornography. Their blind spot was copyright. When it came to copyright, it was like the part of the justices’ brains shut off, and they just totally forgot about the First Amendment. You got the sense that, deep down, they didn’t even think the First Amendment applied when copyright was at issue, which means that if you did want to censor the Internet, if you wanted to come up with some way that the government could shut down access to particular websites, this bill might be the only way to do it. If it was about pornography, it probably would get overturned by courts, just like the adult bookstore case. But if you claimed it was about copyright, it might just sneak through.

And that was especially terrifying, because, as you know, because copyright is everywhere. If you want to shut down WikiLeaks, it’s a bit of a stretch to claim that you’re doing it because they have too much pornography, but it’s not hard at all to claim that WikiLeaks is violating copyright, because everything is copyrighted. This speech, you know, the thing I’m giving right now, these words are copyrighted. And it’s so easy to accidentally copy something, so easy, in fact, that the leading Republican supporter of COICA, Orrin Hatch, had illegally copied a bunch of code into his own Senate website. So if even Orrin Hatch’s Senate website was found to be violating copyright law, what’s the chance that they wouldn’t find something they could pin on any of us ?

There’s a battle going on right now, a battle to define everything that happens on the Internet in terms of traditional things that the law understands. Is sharing a video on BitTorrent like shoplifting from a movie store ? Or is it like loaning a videotape to a friend ? Is reloading a webpage over and over again like a peaceful virtual sit-in or a violent smashing of shop windows ? Is the freedom to connect like freedom of speech or like the freedom to murder ?

This bill would be a huge, potentially permanent, loss. If we lost the ability to communicate with each other over the Internet, it would be a change to the Bill of Rights. The freedoms guaranteed in our Constitution, the freedoms our country had been built on, would be suddenly deleted. New technology, instead of bringing us greater freedom, would have snuffed out fundamental rights we had always taken for granted. And I realized that day, talking to Peter, that I couldn’t let that happen.

But it was going to happen. The bill, COICA, was introduced on September 20th, 2010, a Monday, and in the press release heralding the introduction of this bill, way at the bottom, it was scheduled for a vote on September 23rd, just three days later. And while, of course, there had to be a vote—you can’t pass a bill without a vote—the results of that vote were already a foregone conclusion, because if you looked at the introduction of the law, it wasn’t just introduced by one rogue eccentric member of Congress ; it was introduced by the chair of the Judiciary Committee and co-sponsored by nearly all the other members, Republicans and Democrats. So, yes, there’d be a vote, but it wouldn’t be much of a surprise, because nearly everyone who was voting had signed their name to the bill before it was even introduced.

Now, I can’t stress how unusual this is. This is emphatically not how Congress works. I’m not talking about how Congress should work, the way you see on Schoolhouse Rock. I mean, this is not the way Congress actually works. I mean, I think we all know Congress is a dead zone of deadlock and dysfunction. There are months of debates and horse trading and hearings and stall tactics. I mean, you know, first you’re supposed to announce that you’re going to hold hearings on a problem, and then days of experts talking about the issue, and then you propose a possible solution, you bring the experts back for their thoughts on that, and then other members have different solutions, and they propose those, and you spend of bunch of time debating, and there’s a bunch of trading, they get members over to your cause. And finally, you spend hours talking one on one with the different people in the debate, try and come back with some sort of compromise, which you hash out in endless backroom meetings. And then, when that’s all done, you take that, and you go through it line by line in public to see if anyone has any objections or wants to make any changes. And then you have the vote. It’s a painful, arduous process. You don’t just introduce a bill on Monday and then pass it unanimously a couple days later. That just doesn’t happen in Congress.

But this time, it was going to happen. And it wasn’t because there were no disagreements on the issue. There are always disagreements. Some senators thought the bill was much too weak and needed to be stronger : As it was introduced, the bill only allowed the government to shut down websites, and these senators, they wanted any company in the world to have the power to get a website shut down. Other senators thought it was a drop too strong. But somehow, in the kind of thing you never see in Washington, they had all managed to put their personal differences aside to come together and support one bill they were persuaded they could all live with : a bill that would censor the Internet. And when I saw this, I realized : Whoever was behind this was good.

Now, the typical way you make good things happen in Washington is you find a bunch of wealthy companies who agree with you. Social Security didn’t get passed because some brave politicians decided their good conscience couldn’t possibly let old people die starving in the streets. I mean, are you kidding me ? Social Security got passed because John D. Rockefeller was sick of having to take money out of his profits to pay for his workers’ pension funds. Why do that, when you can just let the government take money from the workers ? Now, my point is not that Social Security is a bad thing—I think it’s fantastic. It’s just that the way you get the government to do fantastic things is you find a big company willing to back them. The problem is, of course, that big companies aren’t really huge fans of civil liberties. You know, it’s not that they’re against them ; it’s just there’s not much money in it.

Now, if you’ve been reading the press, you probably didn’t hear this part of the story. As Hollywood has been telling it, the great, good copyright bill they were pushing was stopped by the evil Internet companies who make millions of dollars off of copyright infringement. But it just—it really wasn’t true. I mean, I was in there, in the meetings with the Internet companies—actually probably all here today. And, you know, if all their profits depended on copyright infringement, they would have put a lot more money into changing copyright law. The fact is, the big Internet companies, they would do just fine if this bill passed. I mean, they wouldn’t be thrilled about it, but I doubt they would even have a noticeable dip in their stock price. So they were against it, but they were against it, like the rest of us, on grounds primarily of principle. And principle doesn’t have a lot of money in the budget to spend on lobbyists. So they were practical about it. "Look," they said, "this bill is going to pass. In fact, it’s probably going to pass unanimously. As much as we try, this is not a train we’re going to be able to stop. So, we’re not going to support it—we couldn’t support it. But in opposition, let’s just try and make it better." So that was the strategy : lobby to make the bill better. They had lists of changes that would make the bill less obnoxious or less expensive for them, or whatever. But the fact remained at the end of the day, it was going to be a bill that was going to censor the Internet, and there was nothing we could do to stop it.

So I did what you always do when you’re a little guy facing a terrible future with long odds and little hope of success : I started an online petition. I called all my friends, and we stayed up all night setting up a website for this new group, Demand Progress, with an online petition opposing this noxious bill, and I sent it to a few friends. Now, I’ve done a few online petitions before. I’ve worked at some of the biggest groups in the world that do online petitions. I’ve written a ton of them and read even more. But I’ve never seen anything like this. Starting from literally nothing, we went to 10,000 signers, then 100,000 signers, and then 200,000 signers and 300,000 signers, in just a couple of weeks. And it wasn’t just signing a name. We asked those people to call Congress, to call urgently. There was a vote coming up this week, in just a couple days, and we had to stop it. And at the same time, we told the press about it, about this incredible online petition that was taking off. And we met with the staff of members of Congress and pleaded with them to withdraw their support for the bill. I mean, it was amazing. It was huge. The power of the Internet rose up in force against this bill. And then it passed unanimously.

Now, to be fair, several of the members gave nice speeches before casting their vote, and in their speeches they said their office had been overwhelmed with comments about the First Amendment concerns behind this bill, comments that had them very worried, so worried, in fact, they weren’t sure that they still supported the bill. But even though they didn’t support it, they were going to vote for it anyway, they said, because they needed to keep the process moving, and they were sure any problems that were had with it could be fixed later. So, I’m going to ask you, does this sound like Washington, D.C., to you ? Since when do members of Congress vote for things that they oppose just to keep the process moving ? I mean, whoever was behind this was good.

And then, suddenly, the process stopped. Senator Ron Wyden, the Democrat from Oregon, put a hold on the bill. Giving a speech in which he called it a nuclear bunker-buster bomb aimed at the Internet, he announced he would not allow it to pass without changes. And as you may know, a single senator can’t actually stop a bill by themselves, but they can delay it. By objecting to a bill, they can demand Congress spend a bunch of time debating it before getting it passed. And Senator Wyden did. He bought us time—a lot of time, as it turned out. His delay held all the way through the end of that session of Congress, so that when the bill came back, it had to start all over again. And since they were starting all over again, they figured, why not give it a new name ? And that’s when it began being called PIPA, and eventually SOPA.

So there was probably a year or two of delay there. And in retrospect, we used that time to lay the groundwork for what came later. But that’s not what it felt like at the time. At the time, it felt like we were going around telling people that these bills were awful, and in return, they told us that they thought we were crazy. I mean, we were kids wandering around waving our arms about how the government was going to censor the Internet. It does sound a little crazy. You can ask Larry tomorrow. I was constantly telling him what was going on, trying to get him involved, and I’m pretty sure he just thought I was exaggerating. Even I began to doubt myself. It was a rough period. But when the bill came back and started moving again, suddenly all the work we had done started coming together. All the folks we talked to about it suddenly began getting really involved and getting others involved. Everything started snowballing. It happened so fast.

I remember there was one week where I was having dinner with a friend in the technology industry, and he asked what I worked on, and I told him about this bill. And he said, "Wow ! You need to tell people about that." And I just groaned. And then, just a few weeks later, I remember I was chatting with this cute girl on the subway, and she wasn’t in technology at all, but when she heard that I was, she turned to me very seriously and said, "You know, we have to stop ’SOAP.’" So, progress, right ?

But, you know, I think that story illustrates what happened during those couple weeks, because the reason we won wasn’t because I was working on it or Reddit was working on it or Google was working on it or Tumblr or any other particular person. It was because there was this enormous mental shift in our industry. Everyone was thinking of ways they could help, often really clever, ingenious ways. People made videos. They made infographics. They started PACs. They designed ads. They bought billboards. They wrote news stories. They held meetings. Everybody saw it as their responsibility to help. I remember at one point during this period I held a meeting with a bunch of startups in New York, trying to encourage everyone to get involved, and I felt a bit like I was hosting one of these Clinton Global Initiative meetings, where I got to turn to every startup in the—every startup founder in the room and be like, "What are you going to do ? And what are you going to do ?" And everyone was trying to one-up each other.

If there was one day the shift crystallized, I think it was the day of the hearings on SOPA in the House, the day we got that phrase, "It’s no longer OK not to understand how the Internet works." There was just something about watching those clueless members of Congress debate the bill, watching them insist they could regulate the Internet and a bunch of nerds couldn’t possibly stop them. They really brought it home for people that this was happening, that Congress was going to break the Internet, and it just didn’t care.

I remember when this moment first hit me. I was at an event, and I was talking, and I got introduced to a U.S. senator, one of the strongest proponents of the original COICA bill, in fact. And I asked him why, despite being such a progressive, despite giving a speech in favor of civil liberties, why he was supporting a bill that would censor the Internet. And, you know, that typical politician smile he had suddenly faded from his face, and his eyes started burning this fiery red. And he started shouting at me, said, "Those people on the Internet, they think they can get away with anything ! They think they can just put anything up there, and there’s nothing we can do to stop them ! They put up everything ! They put up our nuclear missiles, and they just laugh at us ! Well, we’re going to show them ! There’s got to be laws on the Internet ! It’s got to be under control !"

Now, as far as I know, nobody has ever put up the U.S.’s nuclear missiles on the Internet. I mean, it’s not something I’ve heard about. But that’s sort of the point. He wasn’t having a rational concern, right ? It was this irrational fear that things were out of control. Here was this man, a United States senator, and those people on the Internet, they were just mocking him. They had to be brought under control. Things had to be under control. And I think that was the attitude of Congress. And just as seeing that fire in that senator’s eyes scared me, I think those hearings scared a lot of people. They saw this wasn’t the attitude of a thoughtful government trying to resolve trade-offs in order to best represent its citizens. This was more like the attitude of a tyrant. And so the citizens fought back.

The wheels came off the bus pretty quickly after that hearing. First the Republican senators pulled out, and then the White House issued a statement opposing the bill, and then the Democrats, left all alone out there, announced they were putting the bill on hold so they could have a few further discussions before the official vote. And that was when, as hard as it was for me to believe, after all this, we had won. The thing that everyone said was impossible, that some of the biggest companies in the world had written off as kind of a pipe dream, had happened. We did it. We won.

And then we started rubbing it in. You all know what happened next. Wikipedia went black. Reddit went black. Craigslist went black. The phone lines on Capitol Hill flat-out melted. Members of Congress started rushing to issue statements retracting their support for the bill that they were promoting just a couple days ago. And it was just ridiculous. I mean, there’s a chart from the time that captures it pretty well. It says something like "January 14th" on one side and has this big, long list of names supporting the bill, and then just a few lonely people opposing it ; and on the other side, it says "January 15th," and now it’s totally reversed—everyone is opposing it, just a few lonely names still hanging on in support.

I mean, this really was unprecedented. Don’t take my word for it, but ask former Senator Chris Dodd, now the chief lobbyist for Hollywood. He admitted, after he lost, that he had masterminded the whole evil plan. And he told The New York Times he had never seen anything like it during his many years in Congress. And everyone I’ve spoken to agrees. The people rose up, and they caused a sea change in Washington—not the press, which refused to cover the story—just coincidentally, their parent companies all happened to be lobbying for the bill ; not the politicians, who were pretty much unanimously in favor of it ; and not the companies, who had all but given up trying to stop it and decided it was inevitable. It was really stopped by the people, the people themselves. They killed the bill dead, so dead that when members of Congress propose something now that even touches the Internet, they have to give a long speech beforehand about how it is definitely not like SOPA ; so dead that when you ask congressional staffers about it, they groan and shake their heads like it’s all a bad dream they’re trying really hard to forget ; so dead that it’s kind of hard to believe this story, hard to remember how close it all came to actually passing, hard to remember how this could have gone any other way. But it wasn’t a dream or a nightmare ; it was all very real.

And it will happen again. Sure, it will have yet another name, and maybe a different excuse, and probably do its damage in a different way. But make no mistake : The enemies of the freedom to connect have not disappeared. The fire in those politicians’ eyes hasn’t been put out. There are a lot of people, a lot of powerful people, who want to clamp down on the Internet. And to be honest, there aren’t a whole lot who have a vested interest in protecting it from all of that. Even some of the biggest companies, some of the biggest Internet companies, to put it frankly, would benefit from a world in which their little competitors could get censored. We can’t let that happen.

Now, I’ve told this as a personal story, partly because I think big stories like this one are just more interesting at human scale. The director J.D. Walsh says good stories should be like the poster for Transformers. There’s a huge evil robot on the left side of the poster and a huge, big army on the right side of the poster. And in the middle, at the bottom, there’s just a small family trapped in the middle. Big stories need human stakes. But mostly, it’s a personal story, because I didn’t have time to research any of the other part of it. But that’s kind of the point. We won this fight because everyone made themselves the hero of their own story. Everyone took it as their job to save this crucial freedom. They threw themselves into it. They did whatever they could think of to do. They didn’t stop to ask anyone for permission. You remember how Hacker News readers spontaneously organized this boycott of GoDaddy over their support of SOPA ? Nobody told them they could do that. A few people even thought it was a bad idea. It didn’t matter. The senators were right : The Internet really is out of control. But if we forget that, if we let Hollywood rewrite the story so it was just big company Google who stopped the bill, if we let them persuade us we didn’t actually make a difference, if we start seeing it as someone else’s responsibility to do this work and it’s our job just to go home and pop some popcorn and curl up on the couch to watch Transformers, well, then next time they might just win. Let’s not let that happen.

[ End of Aaron Swartz’s keynote transcript ] CC BY-NC-ND 3.0 US Democracy Now !

Source www.democracynow.org/2013/1/14/freedom_to_connect_aaron_swartz_1986.

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[5] COICA : Combating Online Infringement and Counterfeits Act.

[6] Schoolhouse Rock est une chaîne de télévision américaine de divertissement éducatif.

[7] Le sénateur Ron Ryden, venu honorer le jeune homme disparu, au Mémorial de Washington D.C. à Capitol Hill, le 4 février 2012, a fait un éloge funèbre dédié à la désobéissance civile de Aaron Swartz, à l’égide de Henry David Thoreau. Exposé dont on peut lire la traduction en français par Régis Poulet dans La revue des ressources.

[8] Lawrence Lessig.

[9] Soap — le savon — (anagramme de SOPA).

[10] Aux États-Unis, les “Political Action Committees” (PAC), sont en principe formés au moment de (pour) soutenir des candidats aux élections.

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