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L’art contemporain et la mémoire du poisson | Contemporary Art and Fish Memory

Du fil dissout et de l’humour que nous n’avons plus

samedi 4 avril 2015, par Christina McPhee, Jean Baudrillard, Keti Chukhrov, Tom McGlynn, Aliette Guibert Certhoux


Entre une considération à Istanbul en 2012, sur le changement de paradigme de l’art contemporain, et le poisson d’avril flottant sur le Whitney Museum à New York en 2015, sans oublier le concombre de la mer (quoique ceci n’est pas un poisson) ondulant dans le changement climatique de l’Atlantique au Pacifique au grand dam du 1er avril comme sujet, une interférence fluctuante de criticalsecret avec de et pour Christina McPhee passe, après une balade conversationnelle sur facebook. Voici la transcription actuelle par Christina de la vidéo où la critique d’art et philosophe Keti Chukhrov [1] informe sa note clé "On a False Democracy of Contemporary Art" (Sur la fausse démocratie de l’art contemporain) lors de l’événement "Museums Beyond the Crises" (Les musées au-delà des crises) d’une rencontre passée des annuelles du CIMAM... et la suite en quelques réflexions qu’elle inspire (dans un agencement des bâtons rompus de mon cru). Un monde intégré en soi, une autre vision toutefois, éponymique sublimité, et le couvercle soulevé, du moins j’espère. Dédicace à Bandits-Mages. (A. G-C., traductions, rédaction, annotation)
Translation into English—see the note
 [2].

(The original contents mostly in English—plus some translations into English—are integrally quoted into notation. Except the poem in body text).


See the video from the CIMAM / Suivre l’enregistrement publié par le CIMAM / on / sur / vimeo / by clicking the picture and wait a moment / en cliquant sur l’image et attendant un peu...

Vimeo - 3.4 ko
Keti Chukhrov


CIMAM 2012 Annual Conference / KEYNOTE SPEECH 03 / KETI CHUKHROV / Philosopher, Berlin / Moscow / On a False Democracy of Contemporary Art / CIMAM 2012 Annual Conference "Museums Beyond the Crises" took place in Istanbul, 12-14 November 2012 and was hosted by SALT / For more information about CIMAM 2012 Annual Conference please visit cimam.org or email us at info@cimam.org.


Sublimité


Keti Chukhrov (sa voix transcrite par Christina McPhee) : « Aujourd’hui, le problème auquel sont confrontées de nombreuses pratiques de l’art contemporain avec l’institution, au plus proche de la structure de la commande, est qu’elles soient tombées à la fois dans ce que construit l’esthétique, et dans ce qui tenait en sublimité la non-esthétique ; elles sont tombées du canon de la rigidité du modernisme et de l’horizon utopique de l’avant-garde mais quant à elles, elles ne parviennent pas à revenir également aux pratiques du réalisme pré-moderniste, parce que les langages de l’art contemporain ne peuvent pas aider à diminuer la dimension de l’événement, l’anthropologie du vivant à travers l’événement. Cependant, ce qui est devenu si important dans la poétique hautement instituée de l’art contemporain, ce sont les langages de l’auto-historicité, auto-instituants, s’auto-installant dans le cadre de ce qui constitue l’art contemporain comme territoire. Et ceci est un besoin très spécifique d’un contexte, qui n’est pas historique, ni esthétique et pas même politique, sauf qu’il s’agit d’un contexte institutionnel. L’objet de l’art ce n’est pas tellement l’artiste, ni la méthodologie artistique quelle qu’elle soit, mais l’élan même de l’affiliation institutionnelle avec la géopolitique progressiste de l’art contemporain, ce qui amène une stipulation étrange : que la pratique de l’art aujourd’hui soit subalterne, conséquente et subséquente du travail institutionnel. C’est un changement de paradigme, il n’est pas bon ni mauvais, il est là. L’art contemporain en tant qu’institut [établissement], pas comme institution, ce n’est même plus la question de la bureaucratie régissant la pratique créative, mais que la pratique créative ne soit pas possible sans intérioriser l’art contemporain en tant qu’institut [établissement], comme motivation première de la production. Et nous savons tous combien il est important pour un travail d’art aujourd’hui qu’il doive devenir une quasi-institution, une pratique quasi-instituée. Paradoxalement l’art s’épuise s’il ne trouve pas d’intérêt au-delà des limites de l’art, que ce soit le réel, le sublime, le signifié, une fois dénoncé par le modernisme. Et je crois que l’art parle de ces zones non artistiques, non pas au détriment du rejet de soi, mais par l’intermédiaire des modes extraordinaires qui sont artistiques, non pas tant parce qu’ils sont esthétiques, mais parce qu’ils sont générés par le lien éventuel entre la subjectivité et le réel [3]. La condition pragmatique d’aujourd’hui consiste en ce que l’art du Grand Autre [4], l’art du Réel, l’art du sublime, est aujourd’hui l’institut d’art contemporain lui-même  [5] ».

Christina McPhee (répondant à une assertion à l’emporte-pièce de Tom McGlynn, sur son impression de déjà vu et rabâché des références dans l’intervention de Keti Chukhrov — voir la note 7) : « Tom, je pense que le fait porté par Keti soit qu’il y ait un rejet intéressant de « l’événement ». Et que ce rejet soit systémique et que ce soit un symptôme de « l’art contemporain » comme « institut ». Je suis sûre que sur le sujet toujours lié au réel Keti soit d’accord avec vous. Je pense que le passage est intéressant car il décrit comment l’art contemporain est fichu d’une manière que je n’avais pas tout à fait rencontrée auparavant, c’est-à-dire que le « sublime » de l’art contemporain soit l’« institut ». En d’autres termes CA peut alors être compris comme un déni du réel, le sujet, et les revendications de vérité autour de lui — une sorte d’un acte délibéré de déni. Je veux dire que c’est une grande revendication de balayage et j’apprécie vraiment ses analyses précises et implacables [6]. »

Tom McGlynn (répondant à Christina McPhee) : « Oui, je peux voir ce que vous voulez dire, Christina, et la citation isolée du reste de la conférence ne la reflète pas pleinement dans son ensemble. Ma propre position évite toute « caducité » [7], donc de mon point de vue le sublime de l’art contemporain est une représentation abstraite en soi. Le fait est peut-être que l’institution se pose « elle-même » comme une sorte de « sujet » libéral virtuel qui simule une fidélité subjective à l’événement, lequel en réalité est une sorte de projection du spectacle ostensiblement « émancipé » de mauvaise foi [8]. »

Christina McPhee : « EXACTEMENT ! Bien posé !! »


Et d’une rive l’autre [9]

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Christina McPhee
triple c sea cucumbers caught *
2011
ink on Yupo synthetic paper
26 x 20 inches / 66 x 50 cm

* Sea cucumbers : holothuries
(littéralement nommées ici concombres - bêtes - de la mer)



A Fundy fog

A Fundy fog Comes luffing in For Pocalogan harbor

Its wrack clinging bladder The sea cucumber sighs Evacuated on the tide

Une brume de Fundy [10]

Une brume de Fundy Arrive en lofant Au port de Procalogan

Son fucus accroche une vessie L’holothurie soupire Évacuée par la marée [11]

© 2013 Tom McGlynn.


Vrai poisson d’avril [12]


Et de l’établissement d’art contemporain aux galeries comme les véritables artistes il n’y avait qu’un pas à franchir le premier avril, par des gens à la fois aigus et amusants (on se dit que les représentants de la structure institutionnelle et leurs critiques ci-français sont bien tristes, sinistres même), dans l’éditorial de Hyperallergic, qui avec une logique implacable annonçait il y a deux jours que la Biennale du Whitney Museum, réputée et attendue chaque fois pour annoncer les nouvelles tendances et/ou prédictions de l’avenir de l’art américain et de son exposition commerciale, allait cesser, le Whitney étant passé désormais à un programme directement consacré aux galeries :

« Whitney Museum replacing Biennial with program devoted to art galleries »

Je traduis l’extrait pertinent relevé par Christina McPhee : « Nous voulons être l’institution qui raconte l’histoire contemporaine de l’art américain comme il se fait, a ajouté Weinberg [13], après une longue période d’auto-examen nous avons réalisé que la meilleure façon de le faire était d’aller au-delà de montrer les artistes américains, et de souligner le travail des marchands d’art américains, qui sont les véritables artistes. »


Faux épilogue


Ça ressemblait à un hoax d’avril mais peut-être pas — tant cela ressemblait aussi à la libéralisation de l’art, à l’externalisation collective, émergente de l’internalisation privative de toute chose publique ou de rassemblement commun. Donc voilà le Whitney haut siège de la Biennale qui édictait les nouvelles tendances de l’art contemporain, la supprimant au crédit d’un programme directement dédié aux galeries. Ne serait resté que la Documenta déjà bien atteinte elle-même. Cela voulait dire, plutôt, que tous les concepts du corps propre de l’art étant éculés et outrepassés à la fois par le dispositif commercial et le dispositif institutionnel, dans l’ère où la fin de l’histoire de l’art — des formes et des genres — n’a d’égal que celle de l’Histoire qui la contient, où le progrès n’est plus affecté de la valeur symbolique de l’innovation moderne, ni par conséquent à l’art d’avant-garde, on pouvait revenir à Baudrillard, pour rallier le fil de cette plaisanterie.

Baudrillard l’avait déjà déclaré autrement en ces lieux mêmes, lors d’une fameuse Biennale du Whitney en 1987, où il déposséda aussi le simulationnisme de la paternité que les critiques et les artistes américains lui avaient attribuée par contresens, d’après lui ; ce qui lui avait valu ce retour de haine qui explosa après le 11/9, et se poursuivit auparavant en France à propos du terme qu’il retourna lui-même en « complot de l’art ».

Dr. Leslie S. Curtis, « Baudrillard, I Will Personally Guide You through Documenta 12 » The word ’art’ bothers me.

La dernière des dernières « Biennale du Whitney » aurait donc eu lieu l’an passé, en 2014, justement sous les augures francophiles de Semiotext(e) [14].

MAIS il n’en est rien sinon le jeu du sourire. C’EST UN POISSON D’AVRIL ! La machine n’en finira jamais de se reproduire identique à elle-même serait-elle évidée du sens symbolique commun dans l’émigration vers le réseau et le flux du marché.


Avant-cène


« Le complot de l’art » [15].

«  Si dans la pornographie ambiante s’est perdue l’illusion du désir, dans l’art contemporain s’est perdu le désir de l’illusion. Dans le porno, rien ne laisse plus à désirer. Après l’orgie et la libération de tous les désirs, nous sommes passés dans le transsexuel, au sens d’une transparence du sexe, dans des signes et des images qui en effacent tout le secret et toute l’ambiguïté. Transsexuel, au sens où ça n’a plus rien à voir avec l’illusion du désir, mais avec l’hyperréalité de l’image.

Ainsi de l’art, qui lui aussi a perdu le désir de l’illusion, au profit d’une élévation de toutes choses à la banalité esthétique, et qui donc est devenu transesthétique. Pour l’art, l’orgie de la modernité a consisté dans l’allégresse de la déconstruction de l’objet et de la représentation. Pendant cette période, l’illusion esthétique est encore très puissante, comme l’est, pour le sexe, l’illusion du désir. A l’énergie de la différence sexuelle, qui passe dans toutes les figures du désir, correspond, pour l’art, l’énergie de dissociation de la réalité (le cubisme, l’abstraction, l’expressionnisme), l’une et l’autre correspondant pourtant à une volonté de forcer le secret du désir et le secret de l’objet. Jusqu’à la disparition de ces deux configurations fortes — la scène du désir, la scène de l’illusion — au profit de la même obscénité transsexuelle, transesthétique — celle de la visibilité, de la transparence inexorable de toutes choses. En réalité, il n’y a plus de pornographie repérable en tant que telle, parce que la pornographie est virtuellement partout, parce que l’essence du pornographique est passée dans toutes les techniques du visuel et du télévisuel Mais peut-être, au fond, ne faisons-nous que nous jouer la comédie de l’art, comme d’autres sociétés se sont joué la comédie de l’idéologie, comme la société italienne par exemple (mais elle n’est pas la seule) se joue la comédie du pouvoir, comme nous nous jouons la comédie du porno dans la publicité obscène des images du corps féminin. Ce strip-tease perpétuel, ces phantasmes à sexe ouvert, ce chantage sexuel — si tout cela était vrai, ce serait réellement insupportable. Mais, heureusement, tout cela est trop évident pour être vrai. La transparence est trop belle pour être vraie. Quant à l’art, il est trop superficiel pour être vraiment nul. Il doit y avoir un mystère là-dessous. Comme pour l’anamorphose : il doit y avoir un angle sous lequel toute cette débauche inutile de sexe et de signes prend tout son sens mais, pour l’instant, nous ne pouvons que le vivre dans l’indifférence ironique. Il y a, dans cette irréalité du porno, dans cette insignifiance de l’art, une énigme en négatif, un mystère en filigrane, qui sait ? une forme ironique de notre destin ? Si tout devient trop évident pour être vrai, peut-être reste-t-il une chance pour l’illusion. Qu’est-ce qui est tapi derrière ce monde faussement transparent ? Une autre sorte d’intelligence ou une lobotomie définitive ? L’art (moderne) a pu faire partie de la part maudite, en étant une sorte d’alternative dramatique à la réalité, en traduisant l’irruption de l’irréalité dans la réalité. Mais que peut encore signifier l’art dans un monde hyperréaliste d’avance, cool, transparent, publicitaire ? Que peut signifier le porno dans un monde pornographié d’avance ? Sinon nous lancer un dernier clin d’oeil paradoxal — celui de la réalité qui se rit d’elle-même sous sa forme la plus hyperréaliste, celui du sexe qui se rit de lui-même sous sa forme la plus exhibitionniste, celui de l’art qui se rit de lui-même et de sa propre disparition sous sa forme la plus artificielle : l’ironie. De toute façon, la dictature des images est une dictature ironique. Mais cette ironie elle-même ne fait plus partie de la part maudite, elle fait partie du délit d’initié, de cette complicité occulte et honteuse qui lie l’artiste jouant de son aura de dérision avec les masses stupéfiées et incrédules. L’ironie aussi fait partie du complot de l’art.

L’art jouant de sa propre disparition et de celle de son objet, c’était encore un grand oeuvre. Mais l’art jouant à se recycler indéfiniment en faisant main basse sur la réalité ? Or la majeure partie de l’art contemporain s’emploie exactement à cela : à s’approprier la banalité, le déchet, la médiocrité comme valeur et comme idéologie. Dans ces innombrables installations, performances, il n’y a qu’un jeu de compromis avec l’état des choses, en même temps qu’avec toutes les formes passées de l’histoire de l’art. Un aveu d’inoriginalité, de banalité et de nullité, érigé en valeur, voire en jouissance esthétique perverse. Bien sûr, toute cette médiocrité prétend se sublimer en passant au niveau second et ironique de l’art. Mais c’est tout aussi nul et insignifiant au niveau second qu’au premier. Le passage au niveau esthétique ne sauve rien, bien au contraire : c’est une médiocrité à la puissance deux. Ça prétend être nul : « Je suis nul ! Je suis nul ! » — et c’est vraiment nul.

Toute la duplicité de l’art contemporain est là : revendiquer la nullité, l’insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu’on est déjà nul. Viser le non-sens alors qu’on est déjà insignifiant. Prétendre à la superficialité en des termes superficiels. Or la nullité est une qualité secrète qui ne saurait être revendiquée par n’importe qui. L’insignifiance - la vraie, le défi victorieux au sens, le dénuement du sens, l’art de la disparition du sens- est une qualité exceptionnelle de quelques oeuvres rares, et qui n’y prétendent jamais. Il y a une forme initiatique de la nullité, comme il y a une forme initiatique du rien, ou une forme initiatique du Mal. Et puis, il y a le délit d’initié, les faussaires de la nullité, le snobisme de la nullité, de tous ceux qui prostituent le Rien à la valeur, qui prostituent le Mal à des fins utiles. Il ne faut pas laisser faire les faussaires. Quand le Rien affleure dans les signes, quand le Néant émerge au coeur même du système de signes, ça, c’est l’événement fondamental de l’art. C’est proprement l’opération poétique que de faire surgir le Rien à la puissance du signe — non pas la banalité ou l’indifférence du réel, mais l’illusion radicale. Ainsi Warhol est vraiment nul, en ce sens qu’il réintroduit le néant au coeur de l’image. Il fait de la nullité et de l’insignifiance un événement qu’il transforme en une stratégie fatale de l’image.

Les autres n’ont qu’une stratégie commerciale de la nullité, à laquelle ils donnent une forme publicitaire, la forme sentimentale de la marchandise, comme disait Baudelaire. Ils se cachent derrière leur propre nullité et derrière les métastases du discours sur l’art, qui s’emploie généreusement à faire valoir cette nullité comme valeur (y compris sur le marché de l’art, évidemment).

Dans un sens, c’est pire que rien, puisque ça ne signifie rien et que ça existe quand même, en se donnant toutes les bonnes raisons d’exister. Cette paranoïa complice de l’art fait qu’il n’y a plus de jugement critique possible, et seulement un partage à l’amiable, forcément convivial, de la nullité. C’est là le complot de l’art et sa scène primitive, relayée par tous les vernissages, accrochages, expositions, restaurations, collections, donations et spéculations, et qui ne peut se dénouer dans aucun univers connu, puisque derrière la mystification des images il s’est mis à l’abri de la pensée.

L’autre versant de cette duplicité, c’est, par le bluff à la nullité, de forcer les gens, a contrario, à donner de l’importance et du crédit à tout cela, sous le prétexte qu’il n’est pas possible que ce soit aussi nul, et que ça doit cacher quelque chose. L’art contemporain joue de cette incertitude, de l’impossibilité d’un jugement de valeur esthétique fondé, et spécule sur la culpabilité de ceux qui n’y comprennent rien, ou qui n’ont pas compris qu’il n’y avait rien à comprendre. Là aussi, délit d’initié. Mais, au fond, on peut penser aussi que ces gens, que l’art tient en respect, ont tout compris, puisqu’ils témoignent, par leur stupéfaction même, d’une intelligence intuitive : celle d’être victimes d’un abus de pouvoir, qu’on leur cache les règles du jeu et qu’on leur fait un enfant dans le dos. Autrement dit, l’art est entré (non seulement du point de vue financier du marché de l’art, mais dans la gestion même des valeurs esthétiques) dans le processus général de délit d’initié. Il n’est pas seul en cause : la politique, l’économie, l’information jouissent de la même complicité et de la même résignation ironique du côté des « consommateurs ».

« Notre admiration pour la peinture est la conséquence d’un long processus d’adaptation qui s’est opéré pendant des siècles, et pour des raisons qui très souvent n’ont rien à voir avec l’art ni l’esprit. La peinture a créé son récepteur. C’est au fond une relation conventionnelle » (Gombrowicz à Dubuffet). La seule question, c’est : comment une telle machine peut-elle continuer de fonctionner dans la désillusion critique et dans la frénésie commerciale ? Et si oui, combien de temps va durer cet illusionnisme, cet occultisme — cent ans, deux cents ans ? L’art aura-t-il droit à une existence seconde, interminable — semblable en cela aux services secrets, dont on sait qu’ils n’ont plus depuis longtemps de secrets à voler ou à échanger, mais qui n’en fleurissent pas moins, en pleine superstition de leur utilité, et en défrayant la chronique mythologique. »

Jean Baudrillard

Source Libération (20 mai 1996)

L’ouvrage éponyme de l’article et comprenant d’autres textes publié en 1997 a été réédité en 2005 par le même éditeur, Sens & Tonka (FR) : soit plusieurs essais et entretiens de Jean Baudrillard, « Le complot de l’art » (1996), « Illusion, désillusion esthétiques » (1997), « Entrevues à propos du complot de l’art » (1997), accrus dans la nouvelle édition d’une préface de Sylvère Lotringer, « Le pirate de l’art », essai sur Jean Baudrillard et qui depuis a été traduit en anglais sous le titre ’The piracy of Art" par son auteur et publié en 2008 sous son propre copyright dans le site Insomnia où il est toujours accessible [16]. Total Work integrally translated and published into english, plus Baudrillard’s "War Porn" on Abu Ghraib, by Sylvère Lotringer publisher at Semiotext(e), the USA —same year than french republishing (2005). You can read an abstrat in The MIT Press site.

En 1997, Jean-Yves Jouannais, alors rédacteur en chef de Art Press (de 1991 à 1999) publiait en France Artistes sans œuvres - I would prefer not to (éd. Verticales), et en 2003 L’idiotie, Art, Vie, Politique - méthode. (éd. Beaux-Arts Magazine livres). Ouvrages apparemment restés sans traduction en anglais.


https://vimeo.com/35938328 Christina McPhee, Penumbra Blind (2010-2012)

"Penumbra Blind considers all biological data-sets - ‘animal’ and ‘human’, ‘scientist’ and ‘invertibrate’ as continua in and out of shadows, mirroring each other."


- En logo, un portrait de Christina McPhee dans le site academia.edu.


* Si le tweet qui apparaît dans la fenêtre d’envoi est trop long, (le nombre de signes en excès apparaissant dessous, précédé de : "-") le raccourcir avant de l’envoyer, en prenant soin de ne pas supprimer le lien même de l’article. / * If the content of the tweet is too long (the number of characters in excess is indicated by a negative value), please shorten it and make sure you do not crop the link.


P.-S.

Quelques liens

- Whitney Museum.

- Bandits-Mages.

- CIMAM.

- Christina McPhee @ www.christinamcphee.net.

- Tom McGlynn @ seeingsaying.blogspot.fr.

- Keti Chukrov, "The Socialist Past" (Le passé socialiste) @ monumenttotransformation.org.

- Le site Hyperallergic, Sensitive to Art & itis discontents. About.

- Tous les articles d’Elisabeth Lebovici publiés dans le journal Libération depuis 1996 jusqu’à 2008.
Son blog Le beau vice : http://le-beau-vice.blogspot.fr/.

- Tous les articles de Jean Baudrillard publiés dans le journal Libération depuis 1996 jusqu’à 2006.
La page d’hommage et de recension de liens dédiés à Jean Baudrillard dans criticalsecret, « Tribute to Baudrillard, Jean Baudrillard n’est pas mort ».

- Le site coolmemories.fr, de l’’association des amis de Jean Baudrillard.

Sur la rue Denoyez à Paris XXe, l’échéance de l’ultimatum de la Mairie de Paris en ce début d’avril a provoqué l’expulsion des artistes qui la faisaient vivre ; une alerte avait été publiée dans Le beau vice. C’est un rappel alarmant de ce qu’il advient de Paris. Il n’est pas inepte de rappeler que l’argument pour la destruction au titre de la création de logements sociaux ne tient pas, pouvant parfaitement s’accommoder de la rénovation des bâtiments sans les raser. Car en réalité il s’agit d’une de ces opération immobilières commerciales défigurant la ville en la privant de ses venelles et de ses passages historiques, pour des immeubles dont seulement une infime partie de leurs appartements sont destinés au logement social.

Notes

[1] Philosophe, professeure à Berlin et à Moscou, Keti Chukrov est à la fois une spécialiste de la pensée critique du monde post-soviétique et du monde post-colonial.
http://www.formerwest.org/Contributors/KetiChukhrov.

[2]  Between an observation on a paradigm shift in Contemporary Art by Keti Chukhrov in Istanbul, in 2012, and the April Fools floating above the Whitney Museum in New York, in 2015, not to mention the sea cucumber—although "Ceci n’est pas un poisson—absorbing the climate change shockwave from the abyss up to the beaches of both Atlantic and Pacific oceans, to the dismay of April Fools—as a subject—there is a warm meandering stream from criticalsecret with Christina McPhee flowing still after a conversational ride on Facebook. Here is the current transcription by Christina of an excerpt from the video where Keti Chukhrov, the art critic and philosopher [1], develops on her keynote "On a False Democracy of Contemporary Art" (her title) for the past conference of the thematic event "Museums Beyond the Crises" in the framework of the annual conference of the International Committee of ICOM for Museums and Collections of Modern and Contemporary Art in Istanbul (CIMAM). A keynote that always appears relevant ... and followed by a few thoughts it inspires (in a desultory fashion of my own). A world in itself, not another vision, but deeply critical, somehow "anthropocene of the value", an eponymic sublimity lifting the lid, at least I hope. Thank you Christina. (A. G-C., Translations, editing, annotations). N.B. This English version reread by Michel Belisle.

[3] Alain Badiou ; sur deux de ses récents ouvrages à propos du réel on peut lire l’article de Robert Maggiori « À l’impossible tous tenus », Libération (11 février 2015).

[4] En psychanalyse l’Autre désigne ce qui est extérieur à soi ; chez Lacan il comprend le Grand Autre, l’ordre symbolique de ce qui est perçu d’autrui et qui n’est pas son image, l’ordre symbolique déterminant le sujet, par opposition au "petit autre" — l’image qui est prise pour autrui --- mais qui ne l’est pas. La conception de l’Autre chez Lacan intègre celle de Hegel (lu par Kojève) s’écartant ainsi de la conception de Freud. Il est à préciser que Alain Badiou lui-même a recours à certains concepts lacaniens dans les domaines de l’altérité et de l’inconscient.

[5] Christina McPhee, 28 Mars : Keti Chukhrov : "Today the problem facing many contemporary art practices with institutional, proximally commissioned framework is that they fell out of both what constructed aesthetics and what stood for non-aesthetic sublimitiy ; they fell out of modernism’s canon of rigidity and out of the avant garde’s utopian horizon, but they they fail to return to the practices of premodernist realisms too because the contemporary art languages cannot help declining the dimension of the event, the anthropology of living through event. Meanwhile what became so important in the highly institutioanalized poetics of contemporary art are the languages of self historicizing, self instituting self installing in the the frame of what constructs the contemporary art as territory. And this is a very specific need for a context, which is neither historical nor aehsticic even political , but it is an institutional context. The subject matter of art is neither so much the artist, nor the artistic methodology of any kind, but the very momentum of institutional affiliation with contemporary art’s progressive geopolitics and this brings to a strange condition, that , today art practice is subordinate and consequent and subsequent to the institutional work. It is a paradigmatic shift, it is not good or bad, it is there. Contemporary art as institute, not institution, it is no more the question of bureaucracy governing creative practice, but that creative practice not possible without internalizing contemporary art as institute as its primary motivation for production. And we all know how important for an art work is itself today to become a quasi-institution, a quasi-instituite practice.
Paradoxically art exhausts if it doesn’t take interest beyond the limits of art, this can be the real, the sublime, the signified, once denounced by modernism. And i believe that art tells about these non artistic zones, not at the expense of self rejection, but via extraordinary modes which are artistic, not so much because they are aesthetic, but because they are generated by the eventual tie between the subjectiity and the real. The pragmatic condition of today is that the art’s Big Other, the art’s Real, the art’s sublime, today is the contemporary art institute itself. "
Source : FB.

[6] Tom, i think Keti’s point is that there’s an interesting rejection of the ’event.’ And that this rejection is systemic and that it’s a symptom of the ’contemporary art’ as ’insitute’ ’ . I am sure Keti would agree with you that the subject is always tied to the real. I think the passage is interesting because it describes how contemporary art is fucked up in a way I hadn’t quite encountered before, i. e. that the ’sublime’ of contemporary art is the ’institute’ . In other words CA can then be understood as a denial of the real, the subject, and truth claims around them— sort of a willful act of denial. I mean it’s a big sweeping claim and I really enjoy her precise and relentless analytics.. Source : FB

[7] C’est-à-dire la caducité des références reprochées à Keti Chukhrov dans le premier commentaire de Tom McGlynn, notoirement le contexte badiousien, mais je ne l’ai pas reproduit ici car il ouvrait un hors sujet dans le ton général du présent collage, ironie dédiée à la question d’un fictif/vrai « poisson d’avril » sur l’art contemporain. (A. G-C..)

[8] Tom : Yes, I can see your point Christina, and the quote in isolation doesn’t fully reflect the lecture as a whole. My own position eschews "the void" altogether, so from my perspective the contemporary arts sublime is an abstract representation in itself. Perhaps the point is that the institution posits "itself" as a kind of virtual liberal "subject" that simulates a subjective fidelity to the event that is in actuality a kind of bad faith projection of the ostensibly "emancipated" spectacle.

[9] De l’holothurie du Pacifique sur la côte ouest des USA, dans les eaux côtières californiennes (situation de l’observation de Christina McPhee), à l’holothurie de l’Atlantique de la baie de Fundy, dans les eaux territoriales du Nouveau-Brunswick, au sud-est du Canada (situation de l’observation de Tom McGlynn). L’holothurie est un animal marin particulièrement intéressant sous divers aspects bio-physiologiques et milieux de vie pour des artistes qui travaillent sur l’anthropocène du vivant.

[10] « Une brume de Fundy », un poème de Tom McGlynn. Fundy est une baie côtière du Nouveau-Brunswick, État mitoyen de la Nouvelle Écosse dans une presqu’île au sud-est du Canada, où est situé le port de pêche de Pocologan — cité au troisième vers de la première strophe du poème.

[11] Transposition en français sans pouvoir respecter à la fois la prosodie et à la lettre les glissements rhétoriques entre les images dans les strophes en anglais, mais à peu près la syntaxe qui procure une construction poétique dans l’esprit du poème original et un sens que l’auteur consulté assume. Il existe probablement d’autres nuances possibles.

[12] Dans « vrai » pas de controverse métaphysique s’agissant ici d’un concept de logique sémiotique chez Nelson Goodman, notamment présenté et développé dans Faits, Fictions, Prédictions (traduit par Yvon Gauthier et revu par Pierre Jacob), 4ème éd. 1985, éditions de Minuit (FR). Nerson Goodman, Fact, Fiction, and Forecast, Fourth edition with a foreword by Hilary Putnam, Harvard University Press, 1983, Cambridge, The USA.

[13] Adam D. Weinberg est le directeur du Musée du Whitney depuis 2003, après en avoir été un conservateur, et plutôt classique (éventuellement peu audacieux, ce qui serait un clin d’oeil supplémentaire dans l’édito de Hyperallergic). Voir l’article d’Elisabeth Lebovici « Le Whitney Museum tient son nouveau directeur », Libération, le 9 août 2003.

[14] Sur la Biennale du Whitney 2014, voir dans le site consulaire frenchculture.org.

[15]  Jean Baudrillard, The Conspiracy of Art, Translation under © 1996 Jean Baudrillard, from/by Insomnia, essays : "The illusion of desire has been lost in the ambient pornography and contemporary art has lost the desire of illusion. In porn, nothing is left to desire. After the orgies and the liberation of all desires, we have moved into the transsexual, the transparency of sex, with signs and images erasing all its secrets and ambiguity. Transsexual, in the sense that it now has nothing to do with the illusion of desire, only with the hyperreality of the image.

The same is true for art, which has also lost the desire for illusion, and instead raises everything to aesthetic banality, becoming transaesthetic. For art, the orgy of modernity consisted in the heady deconstruction of the object and of representation. During that period, the aesthetic illusion remained very powerful, just as the illusion of desire was for sex. The energy of sexual difference, which moved through all the figures of desire, corresponded, in art, to the energy of dissociation from reality (cubism, abstraction, expressionism). Both, however, corresponded to the will to crack the secret of desire and the secret of the object. Up until the disappearance of these two powerful configurations — the scene of desire, the scene of illusion — in favor of the same transsexual, transaesthetic obscenity, the obscenity of visibility, the relentless transparency of all things. In reality, there is no longer any pornography, since it is virtually everywhere. The essence of pornography permeates all visual and televisual techniques.

Maybe we are just acting out the comedy of art, just as other societies acted out the comedy of ideology, just as Italian society (though it is not alone) keeps acting out the comedy of power, just as we keep acting out the comedy of porn in the obscene advertising pictures of women’s bodies. Perpetual striptease, fantasies of exposed organs, sexual blackmail : if all this were true, it would indeed be unbearable. Fortunately, it is all too obvious to be true. The transparency is too good to be true. As for art, it is too superficial to be truly null and void. There must be some underlying mystery. Like for anamorphosis : there must be an angle from which all of this useless excess of sex and signs becomes meaningful, but, for the time being, we can only experience it with ironic indifference. In this unreality of porn, in this insignificance of art, is there a negative enigma, a mysterious thread, or, who knows, an ironic form of our destiny ? If everything becomes too obvious to be true, maybe there still is a chance for illusion. What lies hidden behind this falsely transparent world ? Another kind of intelligence or a terminal lobotomy ? (Modern) art managed to be a part of the accursed share, a kind of dramatic alternative to reality, by translating the rush of unreality in reality. But what could art possibly mean in a world that has already become hyperrealist, cool, transparent, marketable ? What can porn mean in a world made pornographic beforehand ? All it can do is make a final, paradoxical wink — the wink of reality laughing at itself in its most hyperrealist form, of sex laughing at itself in its most exhibitionist form, of art laughing at itself and at its own disappearance in its most artificial form, irony. In any case, the dictatorship of images is an ironic dictatorship. Yet this irony itself is no longer part of the accursed share. It now belongs to insider trading, the shameful and hidden complicity binding the artist who uses his or her aura of derision against the bewildered and doubtful masses. Irony is also part of the conspiracy of art.

As long as art was making use of its own disappearance and the disappearance of its object, it still was a major enterprise. But art trying to recycle itself indefinitely by storming reality ? The majority of contemporary art has attempted to do precisely that by confiscating banality, waste and mediocrity as values and ideologies. These countless installations and performances are merely compromising with the state of things, and with all the past forms of art history. Raising originality, banality and nullity to the level of values or even to perverse aesthetic pleasure. Of course, all of this mediocrity claims to transcend itself by moving art to a second, ironic level. But it is just as empty and insignificant on the second as on the first level. The passage to the aesthetic level salvages nothing ; on the contrary, it is mediocrity squared. It claims to be null — "I am null ! I am null ! — and it truly is null.

Therein lies all the duplicity of contemporary art : asserting nullity, insignificance, meaninglessness, striving for nullity when already null and void. Striving for emptiness when already empty. Claiming superficiality in superficial terms. Nullity, however, is a secret quality that cannot be claimed by just anyone. Insignificance — real insignificance, the victorious challenge to meaning, the shedding of sense, the art of disappearance of meaning — is the rare quality of a few exceptional works that never strive for it. There is an initiatory form of Nothingness, or an initiatory form of Evil. And then there are the inside traders, the counterfeiters of nullity, the snobs of nullity, of all those who prostitute Nothingness to value, who prostitute Evil for useful ends. The counterfeiters must not be allowed free reign. When Nothing surfaces in signs, when Nothingness emerges at the very heart of the sign system, that is the fundamental event of art. The poetic operation is to make Nothingness rise from the power of signs — not banality or indifference toward reality but radical illusion. Warhol is thus truly null, in the sense that he reintroduces nothingness into the heart of the image. He turns nullity and insignificance into an event that he changes into a fatal strategy of the image.

Other artists only have a commercial strategy of nullity, one to which they give a marketable form, the sentimental form of commodity, as Baudelaire said. They hide behind their own nullity and behind the metastases of the discourse on art, which generously promotes this nullity as a value (within the art market as well, obviously). In a way, it is worse than nothing, because it means nothing and it nonetheless exists, providing itself with all the right reasons to exist. This paranoia in collusion with art means that there is no longer any possible critical judgment, and only an amiable, necessarily genial sharing of nullity. Therein lies the conspiracy of art and its primal scene, transmitted by all of the openings, hangings, exhibitions, restorations, collections, donations and speculations, and that cannot be undone in any known universe, since it has hidden itself from thought behind the mystification of images.

The flip side of this duplicity is, through the bluff on nullity, to force people a contrario to give it all some importance and credit under the pretext that there is no way it could be so null, that it must be hiding something. Contemporary art makes use of this uncertainty, of the impossibility of grounding aesthetic value judgments and speculates on the guilt of those who do not understand it or who have not realized that there is nothing to understand. Another case of insider trading. In the end, one might also think that these people, who are held in respect by art, really got it since their very bewilderment betrays an intuitive intelligence. They realize that they’ve been made victims of an abuse of power, that they have been denied access to the rules of the game and manipulated behind their backs. In other words, art has become involved (not only from the financial point of view of the art market, but in the very management of aesthetic values) in the general process of insider trading. Art is not alone : politics, economics, the news all benefit from the same complicity and ironic resignation from their "consumers."

"Our admiration for painting results from a long process of adaptation that has taken place over centuries and for reasons that often have nothing to do with art or the mind. Painting created its receiver. It is basically a conventional relationship" (Gombrowitz to Dubuffet). The only question is : How can such a machine continue to operate in the midst of critical disillusion and commercial frenzy ? And if it does, how long will this conjuring act last ? One hundred, two hundred years ? Will art have the right to a second, interminable existence, like the secret services that, as we know, haven’t had any secrets to steal or exchange for some time but who still continue to flourish in the utter superstition of their usefulness, perpetuating their own myth. "

[16] "The piracy of Art", © 2008 Sylvère Lotringer, Insomnia.