Épilogue / Afterword
L a nuit tombe, elle va tomber, voilà elle est tombée. L’Europe est loin dans le froid de ses rond-points, les droits de l’Homme sont congelés.
— Il va nous falloir continuer à être inventifs — Oh rien que d’y penser je suis fatigué ! — comment tu fais pour prendre la vie de travers ? — de travers ? — à la légère — je m’débrouille
Je suis un homme, quatre ou cinq dialogues d’un homme avec lui-même. En mai au retour de Mouriez, j’avais d’abord passé un coup de fil à mon bureau pour leur dire : Je sors du crash d’un train, je rentre chez moi récupérer, je ne suis jamais retourné à ce bureau. Il y a eu des réactions très marquées devant ce problème, et même des confusions de jugement, Julie une ancienne collègue écrit : ... Sur le fil du rasoir entre une douce ironie et de nombreuses insomnies, si sincère et si fragile qu’il donne la chair de poule.. Puis J’ai téléphoné à mon amie d’enfance pour lui dire que j’avais dû trancher dans ma vie à neuf heures et demi, j’ai enfin téléphoné à mes parents, j’ai appris qu’ils étaient divorcés et que ma mère était morte, je n’ai pas posé de questions gênantes car la voix s’étouffait dans de longs sifflets. Le temps est glacé ce matin. Merci. Oui. Oui ici. bip bip. Puis j’ai décommandé mes sept rendez-vous chez des médecins dans la ville, rangé mon petit ménage sans entrain mais précisément. J’avais déjà pris contact avec le vide. La consolation et le brouillard froid de Varia. Un chemin absent dans le cycle du carbone, le devenir de l’ozone, l’effet climatique des changements des sols et des villes. Je viens d’une maison au bord d’une route avec un paysage, un village traversé par une route avec un paysage et des gens, un district avec une politique commune et des routes et des paysages et des gens, un département, une région, un pays est-ce que je sais ? avec des routes, des paysages et des gens, et moi là-dedans. Une vie sans événement, dans l’obligation d’avoir recours à une suite d’amnésies contradictoires pour quitter la vie lourde. L’affolement sporadique d’être une souche en manque, seul dans une boîte en haut d’un échangeur qui enjambe des quartiers de mégapole, une boîte cernée, un paradis micrométré qui se transforme peu à peu en désert puis en enfer. Un homme toujours neuf serait en train de naître dans les mégalopoles planétaires, un vieux rêve de nouveauté prémuni du chauvinisme, bondissant par-dessus les états d’âme et les frontières, un homme en kit ré-adaptable, à l’histoire malléable, une donnée transitoire réversible. Je suis un homme invisible, j’absorbe le monde et me conforme pratiquement à l’impossible me permettant de raconter un milliard de trucs en même temps et très vite. Le héros n’est pas une fourmi officielle, mais un petit héros qui s’active comme tous les petits héros, alors il débarrasse la table, les murs soudain lointains ne délimitent plus rien, toutes les bestioles de la pièce se tassent vaguement dans les coins, les grosses comme les minuscules, les invisibles se font la malle vite fait pour ne pas sombrer dans la nostalgie et l’indécence historique, comment sortir de cet entre-sommeil ? La fantaisie ambiante atteint son comble, une fantaisie entre-deux-guerres, un caprice de la réalité qui aplatit le capillaire, toutes les bestioles d’un seul coup ont les cheveux gras, des gens ouvrent la bouche, on croit qu’ils vont parler, les muscles de tous se tendent, même les murs craquent par infiltration immédiate. Le héros s’est simplement levé. Sur un tout petit tortillon de vie la maison respire encore au bord de l’apnée générale. Un homme parle mais le son est coupé. Les bestioles tassées pensent s’associer en douce pour lui envoyer un courrier à leur corps défendant. Cher ami avec une bouche sauvez-nous, soyez notre lutin, merci.
— Je vais vous laisser
- © 2013 Christophe Huysman
Série auto-photographique 3 / Self portrait series 3. (Source fb)
Night falls, it will fall, here it fell. Europe is far in the cold of its roundabouts, human rights are frozen.
— We will have to continue to be inventive — Oh, nothing to think of it I’m tired! — How you doing to make life wrong? — Wrong? — Lightly — I’m doing
I am a man, four or five dialogues of a man with himself. In May the return of Mouriez, I had at first a phone call to my office to tell them: I get out of a train crash, I go home to recover, I never returned to that office. There was very marked reactions to this problem and even confusion judgments, Julie a former colleague writes: . . . On the razor’s edge, between a gentle irony and much insomnias, so sincere and so fragile that gives Goosebumps . . . Then I called my childhood friend to tell him that I had to cut in my life at nine half past, I have finally called my parents, I learned that they were divorced and my mother died, I didn’t ask embarrassing questions because the voice choked in long whistles. The weather is frozen this morning. Thank you. Yes, Yes, bip bip. Then I canceled my seven appointments with doctors in the city, put away my little household without enthusiasm but precisely. I had already made contact with the void. The Consolation and cold mist of Varia. A missing path in the carbon cycle, the becoming of ozone, the climatic effect of changes in soils and cities. I come from a house on a road with a landscape, a town crossed by a road with a landscape and people, a district with a common policy and roads and landscapes and people, a department, a region, a country what I know? With roads, landscapes and people, and me inside. A life without events, obliged to have recourse to a suite of contradictories amnesias to leave the heavy life. Sporadic panic to be a strain lacking, alone in a box on top of an interchanges which spans neighborhoods of megalopolis, a box surrounded. A micrometer paradise which gradually transforms into a desert and then in hell. A man always new will be born in planetaries megalopolis, an old dream of novelty protected from chauvinism, jumping up the qualms and frontiers, a re-adaptable kit man, with malleable story, a reversible transient data. I am an invisible man, I absorb the world and conform me practically at the impossible allowing me to tell a billions things in the same time and very fast. The Hero isn’t an official ant, but a little hero which activates himself like all little heroes, then he clears the table, suddenly the distant walls not delimit anything, all beasties of the piece are vaguely bunched together in the corners, big as tiny, the invisibles bugger of quickly to avoid to sink into nostalgia and indecency historic, how to get out of this between-sleep? The ambient fantasy reached its peak, a fantasy between the two world wars, a caprice of reality that flattens the capillary, all the beasties in one fell swoop have oily hair, people open their mouths, is believed that they will speaking, muscles of all of them tense up even the walls crack by immediate infiltration. The hero is simply get up. On a tiny twist life the home still breathes at the edge of the general apnea. A man talks but the sound is muted. Beasties tamped think to associate on the sly to send him a letter against their will. Dear friend with a mouth save us, be our elf, thank you.
— I’ll let you
tranlated into english by Samy Hamidou ↑
- L’acrobate Édouard Doumbia sur le toit de La Brèche à Cherbourg
Photo © 2013 Christophe Huysman