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#OlivierHadouchi Cinéma cubain et solidarité Tricontinentale / Cuban Cinema and Tricontinental Solidarity

dimanche 28 avril 2013, par Olivier Hadouchi

N_ous évoquerons le contexte historique et les enjeux politiques de la Tricontinentale, puis nous verrons la manière dont elle a été prise en considération par le cinéma cubain. Pour commencer, nous abordons quelques exemples généraux avant d’analyser plus en détails deux films, Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial [1] et La Ausencia [2] [3], qui représentent des voies différentes, parfois même opposées, deux manières de penser la solidarité internationale et le combat politique.

Sommaire (lié)

◁▶ Contexte historique de la « Tricontinentale », enjeux politiques ◁▶ Esthétique / iconographie de la Tricontinentale ◁▶ L’ICAIC solidaire des luttes nationales et internationales ◁▶ Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial, internationalisme et guerre anti-impérialiste ◁▶ La Ausencia, une représentation iconoclaste et isolée de l’internationalisme « tricontinental » ◁▶ Conclusion ◁▶ Bibliographie + Filmographie ◁▶

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Timbre cubain au logo
de la Tricontinentale


A près la chute de Batista et la victoire de la révolution en janvier 1959, un nouveau pouvoir s’installe à Cuba. Il prend assez rapidement une série de mesures radicales afin de sortir de la tutelle étasunienne, de changer les rapports sociaux dans un sens plus égalitaire, si bien que l’île est alors désignée comme le premier territoire libéré d’Amérique Latine et de la zone Caraïbe. Face à un adversaire surpuissant, situé à quelques centaines de kilomètres de ses côtes, qui l’isole grâce à un blocus et parvient même à provoquer son exclusion de l’OEA (Organisation des États Américains) en février 1962, après avoir tenté de le renverser, le régime révolutionnaire développe une politique internationale très dynamique. Sa politique étrangère est menée au nom de principes tels ceux-ci qui seront établis lors de la Conférence Tricontinentale à la Havane en 1966 : le combat contre le racisme (au moins officiellement), l’anti-impérialisme, le soutien aux luttes révolutionnaires du tiers monde, la lutte contre les inégalités, la promotion de son modèle de développement en s’appuyant notamment sur ses campagnes d’éducation et de santé au bénéfice de tous, y compris des plus démunis, au-delà même de ses frontières.



Contexte historique de la « Tricontinentale », enjeux politiques

L a « Conférence de la solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine », plus brièvement appelée « Conférence Tricontinentale », s’est tenue du 3 au 13 janvier 1966 à la Havane » [4] comme le rappellait le journaliste français présent durant l’événement. Elle réunissait de nombreux représentants des mouvements de libération répartis sur trois continents (Afrique, Asie, Amérique Latine), des personnalités officielles du bloc socialiste et des observateurs occidentaux engagés dans la lutte anti-impérialiste. Le régime castriste est donc parvenu à briser son isolement en faisant en sorte que l’OSPAA (Organisation de Solidarité des Peuples d’Asie et d’Afrique) accueille désormais les peuples d’Amérique Latine ; l’OSPAAAL (Organisation de Solidarité des Peuples d’Asie, d’Afrique, et d’Amérique Latine) remplace donc l’OSPAA et la conférence Tricontinentale de 1966 prend acte de cet élargissement. Au-delà des nuances et des différences liées à l’histoire, la langue, la situation géographique ou la culture, la « Tricontinentale » avait donc pour objectif de permettre aux participants de tisser des liens de solidarité afin de réagir à l’échelle internationale contre l’impérialisme et le colonialisme, d’autant que la Guinée Bissau et le Cap Vert, le Mozambique et l’Angola ne sont pas encore sortis du joug portugais en 1966. Pratiquement au même moment, les États-Unis sont en guerre au Vietnam — où ils ont pris le relais des Français — et ils interviennent régulièrement en Amérique Latine, en Afrique ou en Asie. Dans le contexte de la guerre froide, ils sont désignés comme l’ennemi principal, au gré des synthèses et des résolutions de la rencontre. La « Tricontinentale », c’est donc d’abord et avant tout la réunion de deux courants : celui « qui a surgi avec la révolution socialiste d’octobre et celui de la révolution nationale libératrice » [5]. Elle représente donc le versant « révolutionnaire » de la constellation tiers-mondiste. Pour donner voix à ce courant de pensée et d’action, la revue « Tricontinental » est créée, sous l’égide de l’OSPAAAL [6].
Ainsi, c’est dans le numéro 13 de cette revue publiée à Cuba et traduite en plusieurs langues que le célèbre manifeste des cinéastes argentins Fernando Solanas et Octavio Getino, Hacia un tercer cine, est publié pour la première fois en octobre 1969, avant d’être rapidement repris et diffusé dans le monde entier. Mais l’une des formules qui résume sans doute le mieux cette période euphorique d’agitation et de bouillonnement révolutionnaires, c’est le fameux mot d’ordre « Crear, dos, tres… muchos Viet Nam » tiré d’un discours du Che » [7] [8] La citation de José Martí « Es la hora de los hornos y no se ha de ver más que la luz », placée en exergue du texte, juste après le mot d’ordre évoqué, acquiert rapidement un caractère mythique et devient une des sources d’inspirations de La hora de los Hornos de l’Argentin Fernando Solanas (en dehors de Cuba), tandis que Humberto Solás reprend le mot d’ordre guévariste avec son court-métrage Crear dos, tres… muchos Viet Nam (1970).


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Extrait de La hora de los hornos (1968)
de Fernando Solanas et Octavio Getino


Dans un contexte international marqué par la rivalité sino-soviétique, le Cuba des années « Tricontinentale » semble proposer une sorte de voie médiane au sein du bloc socialiste. Entre, d’une part, l’alliance privilégiée avec les Soviétiques (jalonnée de périodes de froid et de réchauffement), jusqu’à l’implosion de l’URSS. Et, d’autre part, une sorte de tiers-mondisme « non-aligné », à la fois révolutionnaire et patriote, se réservant une certaine marge de manœuvre et de liberté par rapport à la politique des deux superpuissances. Cependant, les États-Unis sont bien désignés comme l’ennemi principal, et dans le contexte de la rivalité sino-soviétique, Cuba fait figure de pays aux ambitions révolutionnaires, soucieux de perpétuer, d’approfondir et d’étendre sa révolution. De plus, les déclarations tonitruantes d’un Fidel Castro n’ont pas pour objet la célébration des vertus de la « coexistence pacifique », bien au contraire. A ce propos, les films de Santiago Álvarez constituent un excellent baromètre des vues officielles ; ils font preuve d’une sorte de « révolutionnarisme » effréné qui ne permet pas de les associer à un quelconque « révisionnisme » ou à de la « tiédeur révolutionnaire » (critiques usuelles des Chinois à l’encontre des Soviétiques). Ainsi, Now [9] est un véritable court-métrage d’agit-prop qui se termine par une série de rafales de mitraillette dont les impacts de balles forment le mot « Now » (maintenant).
Enfin, n’omettons pas de rappeler que la création officielle de la Tricontinentale est contemporaine de la révolution culturelle en Chine, qui a débuté en 1966. Il est assez surprenant de relever que l’association imagée du tigre et de l’impérialisme réactualisée avec El tigre saltó, mató, pero morirá… morirá… [10], que l’on croirait tirée du Petit livre rouge ou de la vulgate maoïste, provient en réalité des écrits de José Martí. Quant à Hanoi Martes 13 [11], il est produit sous le patronage commun de l’ICAIC (Instituto Cubano del Arte y la Industria Cinematográficos), et de l’OSPAAAL, et c’est dans 79 Primaveras [12] qu’un vibrant appel à l’unité du bloc socialiste est lancé, afin que la rivalité sino-soviétique (jamais citée nommément) ne soit pas susceptible d’être exploitée par l’ennemi, le bloc opposé.


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Affiche de Alfredo Rostgaard pour le film
79 Primaveras de Santiago Álvarez (1969)


Esthétique / iconographie de la Tricontinentale


L ’image du guérillero, souvent l’arme à la main, du « damné de la terre » partant « à l’assaut du ciel » pour paraphraser à fois Marx et Fanon [13], se retrouve au centre de l’univers esthétique de la Tricontinentale. Mais le « guérillero héroïque » dont on célèbre régulièrement l’anniversaire est-il fondamentalement différent du stakhanoviste, du franc-tireur partisan, du héros de la bataille de Stalingrad (un archétype érigé au rang d’icône, de mythe et de héros positif) ? Dans ce domaine aussi, l’iconographie cubaine ne marche pas vraiment sur les pas du réalisme socialiste malgré le phénomène d’héroïsme conféré aux figures des uns (réalisme socialiste) comme des autres (Tricontinentale). Point d’hommes de marbre, d’athlètes aux corps massifs dans les représentations picturales (films ou illustrations) de la Tricontinentale. L’aspect collectif, inventif et dynamique d’une lutte se déroulant souvent dans des conditions inégales (David contre Goliath) est mis en relief, reportons-nous par exemple à l’attaque des mambises dans le premier volet de Lucía [14] ou aux scènes de combat de La primera carga al machete [15]. L’hybridation, l’esthétique du métissage, le recours à des tons lumineux et des couleurs chaudes voire tropicales imprègne le style même des affiches de films (exemplairement, l’affiche de Lucía signée Raúl Martínez), des cartes postales et des posters de la Tricontinentale (souvent signés des mêmes artistes) [16] et, bien entendu, les œuvres filmiques en couleurs telles que Páginas del diario de José Martí [17] ou Simparelé [18], un documentaire assez rare sur la culture, la résistance à la dictature en Haïti. D’ailleurs, on remarque que la diversité ethnique est clairement affirmée pour ne pas dire (sur)valorisée, ainsi que la diversité du monde, mais en se démarquant nettement, voire même en prenant le contre-pied des représentations impériales d’autrefois (pensons à l’affiche française « trois couleurs, un drapeau, un empire »). Car sous le pinceau et devant la caméra des artistes cubains, les « damnés de la terre » ne sont jamais dépeints dans une attitude figée ou de soumission. Au contraire, ils sont présentés « en marche » et « en mouvement », pleinement acteurs de leur histoire, ou accomplissant un geste symbolique, un acte volontaire, comme étreindre un fusil ou une machette.


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Affiche de Lazaro Abreu pour la Tricontinentale (1968)


L’ICAIC solidaire des luttes nationales et internationales


P arallèlement à la naissance et au développement de l’ICAIC, les luttes pour la libération nationale et le changement social, l’anti-impérialisme, sont devenus des thèmes majeurs du cinéma cubain, nous l’avons déjà esquissé. Comment ces luttes peuvent-elles s’articuler ? Comment agencer le passé et le présent, l’ici et l’ailleurs ? Ce type de questions n’a cessé d’être posé.
Santiago Juan-Navarro a très bien analysé la manière dont le cinéma cubain a mis en scène — et mythifié — ses guerres d’indépendances via une série de films autour de la thématique des « 100 ans de lutte pour l’indépendance. » [19]. En établissant notamment une continuité entre le déclenchement des luttes d’indépendance du XIXe siècle (à partir de 1868) et la révolution de 1959, appréhendée comme un accomplissement, une conquête et une renaissance. Ainsi, La primera carga al machete machete [20] est exemplaire de cette tendance, et nous ne doutons pas qu’un tel film puisse avoir des résonances très concrètes et très contemporaines pour le spectateur du XXe siècle. Son univers de référence ne se limitait point aux luttes d’indépendances de 1868, c’était aussi celui d’un Frantz Fanon décrivant l’usage de la violence révolutionnaire et libératrice (du moins est-elle perçue comme telle par l’auteur et par l’époque), dans Les damnés de la terre [21].
D’ailleurs, ce schéma historiciste se prête aisément aux transpositions, Humberto Solás l’utilise dans Cantata de Chile (1975) pour passer — sans transition, pratiquement sans coupure — d’un événement éloigné dans le temps (manifestation réprimée, protestation ouvrière dans le nord du Chili au début du XXe siècle) à la répression qui s’abat sur les partisans de l’unité populaire, suite au coup d’État de Pinochet. L’événement récent (le putsch anti-démocratique du 11 septembre 1973) est encore très présent dans les mémoires, voire d’une brûlante actualité, lorsque Cantata de Chile sort en salles, en 1975.
« S’il fallait attendre que les conditions soient remplies / jamais la lutte n’aurait été déclenchée… » dit le narrateur en voix-off, dans Páginas del diario de José Martí [22], en écho direct à la pensée du « Che » et à sa « doctrine du foco » [23] avec un fulgurant raccourci de Martí jusqu’à eux. Auparavant, José Massip avait ramené des images tournées dans les maquis du P.A.I.G.C. (Parti Africain de l’Indépendance de Guinée et du Cap Vert) en Guinée Bissau, alors en lutte contre la domination portugaise, avec Madina Boe (1967).


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Affiche de Alfredo Rostgaard pour le film Madina Boe
de José Massip (1968, tourné en Guinée-Bissau)

Parmi les films sous l’égide de l’OSPAAAL
(la Tricontinentale)


Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial
Internationalisme et guerre anti-impérialiste


S olidaire de la lutte du FNL vietnamien alors en guerre contre les Etats-Unis d’Amérique, Tercer mundo, Tercera Guerra Mundial (1970) [24], nous est présenté comme une réalisation collective [25]. Les historiens et les spécialistes du cinéma cubain l’attribuent souvent à Julio García Espinosa, un des cinéastes pivots de l’ICAIC, qui a très probablement assuré la coordination du projet. Selon lui, Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial est un essai. Il combine des éléments propres à l’esthétique du reportage et à la forme de l’essai, voire plutôt du traité didactique — dirions-nous.
Durant les scènes de « reportage », nous suivons une équipe cubaine parcourant une grande partie du Nord du Vietnam, de la ville de Hanoi jusqu’à Vinh-Linh, tout près du 17e parallèle, la zone tampon qui séparait alors le pays en deux entités distinctes (zone nord et sud). Ce périple fournit un prétexte narratif capable de nous livrer un ensemble de témoignages visuels et sonores, pour nous faire voir, entendre et rencontrer diverses personnes, ainsi que les ravages occasionnés par les bombardements nord-américains. Face aux attaques, la résistance vietnamienne se déploie : hommes, femmes, adolescents, les actions et les paroles des civils en ville comme à la campagne, rendent compte d’un peuple entièrement mobilisé. Un peuple sachant faire preuve d’une grande inventivité et d’une forte détermination dans sa manière de résister, n’hésitant pas à construire un hôpital souterrain très efficace, à former des brigades de déminage sur terre ou sur l’eau.
Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial juxtapose et coordonne une série d’analyses, souvent à partir d’images d’archives ou de photographies détournées, ainsi qu’une pléiade de citations et de mots d’ordre ; c’est la raison pour laquelle nous préférons le rapprocher d’un « traité didactique » plutôt que d’un essai. Why We Fight [26], film collectif auquel contribuèrent des cinéastes tels Frank Capra ou Anatole Litvak, est probablement l’une de ses influences secrètes. Dans les deux cas, il s’agit d’expliquer les causes et de déterminer les enjeux d’un conflit mondial (en utilisant les techniques de la propagande), pour mobiliser le spectateur et la nation toute entière, tout en menant un combat sur le front idéologique, artistique et médiatique. Les agissements de l’adversaire sont dénoncés avec précision, à partir de ses propres déclarations, souvent prises à rebours ou placées dans un tout autre contexte, telles des preuves accablantes ou des « pièces à conviction » d’un réquisitoire. Dans Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial, on donne même la parole à des prisonniers nord-américains, qui dénoncent les ordres de leurs chefs.
Des conseils de lecture sont prodigués dans le film cubain, qui a régulièrement recours à des diagrammes, des cartes géographiques, des tableaux, des schémas et des données chiffrées, conférant un aspect quantifiable et prétendument « scientifique » à l’ensemble de la réflexion ; Why We Fight ? [27] adoptait déjà une rhétorique similaire. La « logique » et le processus (début, escalade) de la guerre du Vietnam, les motivations des protagonistes sont pris en considération (évidemment, les USA sont censés agir pour étendre une domination impérialiste). Au passage, Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial réintroduit des éléments chers au cinéma d’« agit-prop » (animation des intertitres, jeux sur le volume, la couleur des caractères…), qui trouve une seconde jeunesse en Amérique Latine avec la doctrine guévariste du foco [28] et l’émergence de nouveaux cinémas.
De plus, Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial combine l’analyse d’une situation donnée (de manière approfondie et très argumentée) avec une série d’enjeux, une perspective locale, nationale, internationale (résistance contre les États-Unis d’Amérique dans le Tiers Monde), pour tenter d’aller ensuite au-delà du simple constat, car « denunciar no es suficiente », lit-on à plusieurs reprises. On retrouve là une problématique centrale pour les cinémas « militants » du monde entier : quelle est la meilleure façon d’agencer le cinéma (effets symboliques) et l’action (sur le réel), le voir, le dire et le faire ? Que l’on pense aux travaux théoriques, aux manifestes de Glauber Rocha inspirés par Fanon, à celui de Solanas et Getino [29] ou de Julio García Espinosa [30] — sans perdre des yeux tous les films qui mettent en scène un « peuple en armes » (contre l’agression impérialiste et pour se libérer), ni les affiches de la Tricontinentale où l’arme, pensée comme un instrument de libération (nous l’avons déjà relevé), est omniprésente. Ceci, dès 1961, avec le documentaire Muerte al invasor [31]. ] où une apparition du leader cubain lançant la mobilisation contre l’attaque de la Baie des Cochons est suivie d’une levée de fusils en masse vers le ciel.
L’association de la caméra et du fusil est assurément un « topos » du cinéma militant des années 1960, sauf que Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial la réactualise lors d’une séquence très impressionnante, où l’équipe cubaine se trouve sur la côte vietnamienne, aux côtés de la compagnie d’une batterie uniquement composée de femmes. Elles sont rassemblées autour d’un long canon dirigé contre la mer, prêtes à repousser les assauts de la flotte nord-américaine. Soudain, quelqu’un tire en l’air au fusil, le coup part vers le ciel. Il est aussitôt suivi d’un rapide zoom avant sur les femmes soldats introduisant des obus dans le canon, et la caméra parcourt le canon de bas en haut (comme une cartouche glissée dans un fusil), jusqu’au bout, change d’angle à plusieurs reprises, effectue de brusques réajustements, tandis que la batterie féminine s’active, chacune des combattantes à son poste (lever à la moulinette ou nettoyage du canon…). Un Cubain, filmé avec l’un des cameramen de l’équipe, s’approche d’une des combattantes et lui propose de saisir elle-même la caméra : « ¿ Y ahora ? ¿ Qué pasa ? ». Dans un premier temps, elle hésite en silence, mais il l’encourage en lui disant qu’elle ne doit pas avoir peur, elle qui manipule quotidiennement un canon, soit quelque chose de beaucoup plus dangereux qu’une caméra. Et il renforce son propos en affirmant que la personne qui sait manœuvrer un canon peut manier une caméra. Il ne s’agit pas uniquement d’une simple métaphore (arme = caméra et vice versa), l’association est directe et réelle, la femme qui saisit la caméra, glisse son œil sur l’objectif et se met à filmer. Nous voyons les images qu’elle enregistre, ses tâtonnements ainsi que son point de vue (flou au départ) qui se cherche, et s’apparente ainsi à la visée d’une cible au canon ou au fusil. Toute la séquence est suivie d’une sorte d’intermède : témoignage filmé dans les alentours, destructions dans un village de pêcheurs violemment bombardé… Même si la voix-off du commentaire est la même durant tout le film, durant l’intermède, le spectateur a l’illusion que les Vietnamiens se représentent eux-mêmes, par l’intermédiaire d’une des combattantes de groupe. Telle est du moins la signification du geste, de l’échange (le relais) entre la personne qui actionne la caméra et celle qui manie le canon. Ensuite, retour au réalisateur cubain secondé de son caméraman parmi la batterie féminine, seconde mise en parallèle de l’arme (canon toujours long et puissant) et de la caméra. La réversibilité s’affirme cette fois au travers d’une séquence durant laquelle le cinéaste cubain manœuvre en même temps le canon de la batterie féminine et la caméra de son opérateur, l’ensemble est bien entendu filmé par une autre caméra. Le canon et la caméra (celle qui est montrée et celle qui filme) sont tous deux tournés vers la mer, et le réalisateur décrit le processus initial du tir. Les munitions et les balles sont introduites dans le canon — ce sont les femmes qui effectuent réellement cette opération, — et il ordonne : « ¿ El disparo ? ¡ El disparo ! ¡ Acción, Fuego ! », tandis que la canonnade commence aussitôt à grand bruit [32].
Cette association proche de la fusion et de l’échange entre les potentialités respectives de la caméra et de l’arme de guerre possède en plus une fonction démystificatrice : se focaliser en priorité sur les conditions matérielles du conflit. En effet, le film développe des explications apparemment très rationnelles, étudie le dispositif d’une attaque adverse, la composition d’une bombe. La raison est placée du côté de la résistance vietnamienne, tandis que les actions de l’adversaire nord-américain sont reléguées dans le registre de l’émotion brute, de l’irrationnel et de la folie meurtrière. Ainsi, au mot d’ordre nord-américain (« détruisez tout »), le FNL vietnamien répond : « conversion de la haine en faits concrets ». Et c’est Julio García Espinosa qui déclarait avoir cherché à « renforcer la détermination du spectateur, en lui donnant des arguments rationnels » [33], en évitant au maximum de s’appuyer sur le registre de l’émotion, avec cette œuvre collective. Cette rhétorique que l’on peut qualifier de « brechtienne », est au service d’une pédagogie. Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial se permet de montrer l’attirail du matériel filmique (magnétophone avec bande qui tourne, la deuxième caméra…), tel membre de l’équipe de tournage, alors que tout cela est habituellement laissé hors champ, mais aussi de décomposer les effets d’une bombe, voire même de rassurer le spectateur en affirmant (arguments à l’appui) que les pays du tiers-monde ne courent pas le risque de subir une attaque nucléaire venue de « l’ennemi principal ».

Notre film établit enfin une véritable stratégie rhétorique du dévoilement, doublée d’un recours permanent à des figures de répétition occasionnant des phénomènes de graduations et des sauts dialectiques. Au départ, un mot est mis en avant, sans explication, ce qui suscite la curiosité du spectateur, ensuite on fait mine de passer à autre chose. Soudain, retour au mot, dévoilement brusque de sa signification, ce qui entraîne presque systématiquement un effet de surprise. Par exemple, nous avons lu sur les intertitres que des avions nord-américains larguent du napalm, emploient des armes biologiques et chimiques à l’encontre des populations (civiles, de surcroît). Une longue liste d’instituts, d’usines fabriquant du napalm, puis des armes biologiques et chimiques défile sur l’écran. L’autre exemple se trouve à la fin de Tercer Mundo, Mundo Guerra mundial, quand on entraperçoit un soldat nord-américain sans bien comprendre ce qu’il fait. Un rapide zoom arrière provoque un changement d’échelle dans le plan qui permet de distinguer ce qui n’était pas visible auparavant. Le soldat a les mains levées en signe de reddition, un combattant vietnamien le tient en joue avec son fusil.


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Affiche de Tercer Mundo, tercera guerra mundial (1970)
« Tiers-monde, troisième guerre mondiale »


La Ausencia

une représentation iconoclaste et isolée de l’internationalisme « tricontinental »


L a Ausencia (Alberto Roldán, 1968) est un film méconnu dont le tournage a débuté au cours l’hiver 1966, au moment où les débats soulevés par la conférence Tricontinentale et la doctrine du foco occupaient encore les esprits [34]. Son refus de montrer les clichés en vigueur sur La Havane et ses habitants [35] — pour le spectateur cubain, l’exotisme se trouve plutôt dans les images de la ville de Paris, des quais de Seine ou des cafés du Quartier Latin, — confèrent un caractère singulier à ce film, qui dialogue avec la nouvelle vague dite « rive gauche » (Marker, Resnais, Varda) [36] plutôt qu’avec le néo-réalisme, tout en ayant recours aux techniques du cinéma direct (personnages interviewés sur leurs lieux de travail) et aux formes de la série B (film noir, de gangster).
Un patient (Miguel Navarro) est examiné en salle de réanimation, suite à un accident de la route. Après quelques hésitations, un chirurgien (joué par Eduardo Moure) décide de l’opérer et parvient ainsi à lui sauver la vie. Nous assistons ensuite au réveil progressif du patient et à une série de discussion entre lui et le médecin. Miguel tente de recouvrer la mémoire, il se remémore progressivement une série d’événements passés jusqu’à l’accident, avant de buter face à un traumatisme qui l’empêche de reconstituer le fil des événements. En écho à ce brouillard mémoriel, le chirurgien Eduardo revit un épisode de sa jeunesse. Durant son séjour à Paris, il était épris d’une jeune Française, mais leur relation s’est achevée dramatiquement. Engagée dans le soutien au FLN alors en guerre contre son pays, sa compagne sera interpellée par des parachutistes, puis violée et torturée. Eduardo ne comprenait pas bien les raisons de son engagement, lui qui avait cherché à fuir le climat politique tendu qui régnait à Cuba [37]. De son côté, Miguel, le patient devenu convalescent, se sent profondément coupable de la mort de son ami (interprété par Sergio Corrieri) et camarade de lutte dans un mouvement clandestin anti-Batista. Il parvient enfin à reconstituer la scène du drame. Le petit groupe dirigé par Sergio avait planifié l’attaque d’une armurerie, mais Miguel a finalement refusé de participer à cette action pour des raisons éthiques. Il revit les dialogues animés avec son ami Sergio. Lorsque le petit groupe organise l’attaque de l’armurerie, l’opération se déroule sans Miguel qui devait conduire la voiture permettant aux assaillants de s’enfuir. L’attaque tourne au fiasco et son ami sera abattu par la police dans une ruelle étroite et sans issue.
Fait rarissime dans le cinéma cubain d’après 1959, La Ausencia s’interroge à haute voix et en images à propos de l’usage de la violence en politique. Le personnage de Miguel (le patient) préconise la conviction, l’argumentation et le dialogue démocratique comme moyens d’action. Cohérent avec ses principes, il refuse de soutenir une action armée aux objectifs mal définis et contestables, selon lui. Toutefois, il se sent responsable de la mort de son ami Sergio, qui pensait que son geste (l’attaque de l’armurerie) allait avoir un impact auprès de la population. La non concordance entre les deux options (celle de Miguel et celle de Sergio) exprimées en sons et images (phrases répétées, expressions tourbillonnantes) a des effets tragiques (anéantissement de la cellule) qui génèrent un traumatisme. Cependant, les actions de tous les personnages découlent de choix conscients et mûrement réfléchis. Par ailleurs, Alberto Roldán dresse un portrait peu reluisant de la lutte contre le régime de Batista — son versant urbain, le pendant rural dans la Sierra n’est même pas mentionné, — avec son film. Il sous-entend que le monde politique est contaminé par le gangstérisme. C’est d’autant plus perceptible que les séquences de militantisme clandestin basculent très vite dans l’univers du film de gangster, avec la présence du motif de l’horloge (topos à la fois symbole du temps qui passe, vecteur de suspense... ), l’équipe de malfaiteurs qui prépare longuement son « coup », étudie le plan du lieu à dévaliser, se répartit les rôles, prévoit de calculer le temps qu’il faudra pour commettre son forfait et songe au moyen de s’enfuir ensuite.
Par ailleurs, La Ausencia ne se déploie jamais de façon linéaire, il est traversé d’ellipses, de fondus au noir, de ruptures (montage mutilant), c’est une œuvre profondément pessimiste, très éloignée des topoï sur la joie de vivre, la douce torpeur tropicale (musique contemporaine ouverte aux dissonances en bande sonore) ou de l’espoir de lendemains meilleurs. La mort du personnage féminin, la militante française (Irma Alfonso joue la compagne d’Eduardo) solidaire du FLN algérien est filmée de la même manière que la mort de Sergio : une caméra filme leurs corps vus d’en haut (en plongée), comme écrasés sous le poids de la fatalité, entourés par des militaires ou des policiers venus constater leur mort. Le médecin comme le patient sont deux survivants, sceptiques à l’égard du mouvement révolutionnaire réel, aucun des deux ne se situe dans la norme établie par le régime castriste. Et le film se termine sur une photo de femme, de l’amante disparue : une image et un souvenir endeuillés, qui relèvent de la sphère privée, de la sphère intime du personnage (Eduardo, le chirugien). Tout cela, ainsi que l’exil du cinéaste Alberto Roldán, explique sans doute son statut à part dans le cinéma cubain ainsi que sa rapide mise à l’index.


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Extrait du film La Ausencia d’Alberto Roldán (1968)


Conclusion

D ès le début années 1960, le cinéma cubain s’est intéressé aux luttes de libération à l’échelle interne (Révolution cubaine vue sous ce prisme) et internationale (guerres d’indépendances et anti-impérialisme), aux questions de solidarité entre les pays du tiers monde engagés dans la voie du changement, tant dans le domaine du documentaire que de la fiction. Il nous paraissait impossible, au cours de notre article, de ne pas évoquer des travaux aussi importants — pour notre sujet — que ceux d’un Santiago Álvarez ainsi que quelques autres films représentatifs, et même de ne pas mentionner l’esthétique, l’iconographie de la Tricontinentale (à travers les affiches de films ou politiques), si riche et si originale. Cependant, nous avons préféré opter dans un second temps, pour l’analyse de deux films méconnus, pourtant produits au sein de l’ICAIC, afin d’étudier et de préciser la manière dont ils pensaient un des moteurs de la politique étrangère cubaine : la Tricontinentale (comme mythe et comme réalité). Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial n’a jamais été interdit à Cuba, mais son caractère picaresque (carnet de voyage dans un pays en guerre) doublé de l’artillerie (à la fois « lourde » et subtile par moments), de tout l’arsenal rhétorique qu’il emploie ne lui ont peut-être pas permis d’avoir une audience comparable à 79 Primaveras ou Hanoi, Martes 13, deux œuvres au format plus court. Quant au second film, La Ausencia, il a probablement subi un double ostracisme — à cause de son caractère hérétique et parce que le réalisateur (Alberto Roldán) a quitté l’île quelque temps après — ce qui expliquerait sa rapide mise à l’écart. Une fois établi le parallèle entre la lutte de libération cubaine et algérienne, son approche est étonnamment critique à l’égard des mouvements de libération. Son interrogation à voix haute sur la recherche d’une éthique en politique (adéquation des fins et des moyens), sur la solidarité, le militantisme clandestin aboutit à une sorte d’aporie. Elle génère même une grave crise de conscience pour le personnage du blessé, tandis que l’autre, le chirurgien, se tient à distance de la politique, même si cela influe sur sa relation avec les femmes. Et le film compare et juxtapose plusieurs voix/voies, il ne tranche pas, refuse de choisir une option contre une autre, les personnages assument les conséquences de leurs choix, dussent-ils en éprouver (ou non) du regret. D’où son caractère exceptionnel au sein des productions de l’ICAIC.
Notre texte concerne la période de maturité, « l’âge d’or du cinéma cubain », qui correspond à la fin des années 60 et l’aube de la décennie suivante, soit l’époque où la Tricontinentale, officiellement née en 1966, était très active sur le front international, et affirmait sa solidarité — de diverses manières — avec le Vietnam, les mouvements de libération de l’Afrique dite « lusophone » (MPLA en Angola, Mozambique, Guinée Bissau, Cap Vert... ) et ceux qui combattaient l’apartheid dans la partie sud du continent. Durant les années 1970, beaucoup de films cubains ont préféré se concentrer sur le passé historique ou sur l’extérieur, au nom de la solidarité internationale.


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Affiche de Alfredo Rostgaard pour le film « L’Absence »
d’Alberto Roldán La Ausencia (1968)


© Olivier Hadouchi



L’icône en logo est le portrait de référence de Che Guevarra photographié par Alberto Korda à La Havane, le 5 mars 1960, lors des funérailles des victimes de l’explosion du cargo français La Coubre. L’explosion accidentelle (ou criminelle) avait eu lieu la veille dans le port, pendant le déchargement de la cargaison de munitions provenant de Belgique, et avait fait 75 morts et 200 blessés. Ce portrait publié à Cuba en 1961 sous le titre Guerrillero Heroico deviendra, (recadré sur le visage pour abstraire le décor), l’effigie des drapeaux du soutien international aux luttes révolutionnaires contre l’impérialisme, au mot d’ordre scandé dans les manifestations « Un, deux, trois Vietnam ! », et après l’exécution du Che en Bolivie en octobre 1967 l’un des emblèmes de la jeunesse révoltée en masse durant la fin de la décennie et la suivante, et demeure aujourd’hui l’une des photographies les plus connues dans le monde. (Source fr.wikipedia.)



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P.-S.

Bibliographie

ALEA Tomás Gutiérrez, Volver sobre mis pasos, Madrid, Ed. Autor, 2007.

CHALIAND Gérard, Terrorismes et guérillas, Paris, Flammarion, 1985.

CHALIAND Gérard (dir.), Les guerres irrégulières, Paris, Gallimard, Coll. « Folio actuel », 2008.

CUSHING Lincoln, ¡ Revolución ! Cuban Poster Art, San Francisco (USA), Chronicle Books, 2003.

ESTRADA Ulises y SUÁREZ Luis, Rebelion Tricontinental : Voces de los condenados de la tierra de Asia, Africa y America Latina (Ocean Sur), Cuba, Ocean Press et Tricontinental, 2006.

ESPINOSA Julio García, Por un cine imperfecto (1969), Madrid, Castellote editor, 1976.

FANON Frantz, Les damnés de la terre, Paris, François Maspéro, 1961.

GUEVARA Ernesto (1967), « Crear dos, tres… muchos Viet Nam, es la consigna. Mensaje a todos los pueblos del mundo a través de la Tricontinental » in ESTRADA Ulises y SUÁREZ Rebelion Tricontinental : Voces de los condenados de la tierra de Asia, Africa y America Latina (Ocean Sur), New York (USA), Melbourne (Australie) et La Havane (Cuba), Ocean Press et Tricontinental, 2006.

JUAN-NAVARRO Santiago, « ¿ “ 100 años de lucha por la liberación “ ? : las guerras de la Independencia en el cine de ficción del ICAIC », in Nancy Berthier (dir.) « Cine y revolución cubana : luces y sombras », in Archivos de la filmoteca, n°59, junio 2008.

LENTIN Albert-Paul, La lutte tricontinentale. Impérialisme et révolution après la conférence de la Havane, Paris, Editions Maspéro, Coll. « Cahiers Libres » 86-87, 1966, p. 14.

FAIVRE D’ARCIER-FLORES Hortense, « Internationalisme et solidarité : une culture révolutionnaire cubaine », in Françoise Moulin Civil (dir.), Cuba 1959-2006. Révolution dans la Culture, Culture dans la Révolution, Paris, L’Harmattan, Coll. Recherches Amériques latines, 2008.

MOULIN CIVIL Françoise (dir.), Cuba 1959-2006. Révolution dans la Culture, Culture dans la Révolution, Paris, L’Harmattan, Coll. Recherches Amériques latines, 2008.

PARANAGUA Paulo Antonio (dir.), Le cinéma cubain, Éditions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1990.

ROLDÁN Alberto, La mirada Viva, Miami (USA), Ediciones Universal, 2002.

SOLANAS Fernando et GETINO Octavio, « Hacia un tercer cine », Tricontinental, n° 13, Octobre 1969.

VINCENOT Emmanuel, « Cinéma et propagande à Cuba : de la ferveur nationaliste à l’engagement révolutionnaire » in BERTIN-MAGHIT Jean-Pierre, Une histoire mondiale des cinémas de propagande, Paris, Nouveau Monde éditions, 2008.


Filmographie

- 79 Primaveras, Santiago Álvarez, 1969.
- El tigre saltó, mató, pero morirá… morirá…, Santiago Álvarez, 1973.
- Hanoi Martes 13, Santiago Álvarez, 1967.
- L’âge d’or du cinéma cubain, Ramón Suárez, 2006.
- La Ausencia, Alberto Roldán, 1968.
- La primera carga al machete machete, Manuel Octavio Gómez, 1969.
- Lucía, Humberto Solás, 1968.
- Madina Boe, José Massip, 1968.
- Muerte al invasor, Tomás Gutiérrez Alea, 1961.
- Páginas del diario de José Martí, José Massip, 1971.
- Simparelé, Humberto Solás, 1974.
- Tercer mundo, Tercera Guerra Mundial, Julio García Espinosa, 1970.
- Why We Fight, Frank Capra et Anatole Litvak, 1943-45.


Documentation

Olivier Hadouchi


Notes

[1] Julio García Espinosa, 1970.

[2] Alberto Roldán, 1968.

[3] Nous remercions vivement Emmanuel Vincenot pour nous avoir généreusement permis de voir La Ausencia et Tercer mundo, Tercera guerra mundial.

[4] Lentin, 1966.

[5] Selon Mehdi Ben Barka (un des principaux initiateurs du mouvement), selon son ami Albert-Paul Lentin, (1966). L’opposant marocain arrêté par la police et enlevé à Paris le 29 octobre 1965 sera assassiné par le chef des services secrets marocains avec la complicité de la CIA, quelques semaines avant la tenue de la conférence « Tricontinentale » pour laquelle il aura beaucoup travaillé.

[6] L’OSPAAAL est une ONG dont le siège se trouve officiellement à La Havane. Pour certains, l’OSPAAAL était la vitrine du régime cubain aux grandes heures du tiers-mondisme. Disons, que la « ligne castriste » jouait un rôle important dans cette constellation.

[7] Guevara, 1967.

[8] Message à la Tricontinentale, E. "Che" Guevara, publié dans la revue Tricontinental, Secrétariat exécutif de l’OSPAAAL, 1967 — le texte intégral traduit en français dans marxists.org.

[9] Santiago Álvarez, 1965.

[10] Santiago Álvarez, 1973.

[11] Santiago Álvarez, 1967. Dans ce film, l’Asie du Sud Est et le Vietnam sont d’abord vus à travers le regard de José Martí soit par le « père » par excellence de la nation cubaine, poète, patriote et homme d’action cubain, comme le fut aussi Ho Chi Minh. Les deux hommes mourront avant de pouvoir assister à l’indépendance de leurs pays respectifs, tout en étant persuadés de son caractère imminent.

[12] Santiago Álvarez, 1969.

[13] Lentin, 1966.

[14] Humberto Solás, 1968.

[15] Manuel Octavio Gómez, 1969.

[16] Parmi les artistes les plus célèbres ou les plus significatifs, citons Alfrédo Rostgaard, Raúl Martínez, Felix Beltrán, Faustino Pérez, René Mederos ou Lazaro Abreu. Il est possible de voir les affiches de l’OSPAAAL dans diverses anthologies et à l’adresse Internet suivante : www.ospaaal.com (dernière consultation : 12 mai 2009). L’ouvrage Revolucion ! : Cuban Poster Art (2003), de Lincoln Cushing, est une bonne introduction.

[17] José Massip, 1971.

[18] Humberto Solás, 1974.

[19] Juan-Navarro, 2008.

[20] Manuel Octavio Gómez, 1969.

[21] Fanon, 1961.

[22] José Massip, 1971.

[23] Foco, le foyer ; la doctrine du foco : contre l’impérialisme créer des foyers de guérilla rurales (version pratique de la théorie de « un, deux, plusieurs Vietnam... »).

[24] Dans ce film, l’Asie du Sud Est et le Vietnam sont d’abord vus à travers le regard de José Martí soit par le « père » par excellence de la nation cubaine, poète, patriote et homme d’action cubain, comme le fut aussi Ho Chi Minh. Les deux hommes mourront avant de pouvoir assister à l’indépendance de leurs pays respectifs, tout en étant persuadés de son caractère imminent.

[25] Réalisation collective signée Julio García Espinosa, Iván Nápoles (grand chef opérateur), Miguel Torrres, Luis Costales, Jéronimo Labrada et Roberto Fernández Retamar (poète militant) —d’après les crédits du générique. Il s’agit d’une pratique courante au sein du cinéma militant de ces années-là (cf. groupe Ukamau en Bolivie, Cine Liberación et Cine de la Base en Argentine, etc.).

[26] Pourquoi nous combattons, Frank Capra et Anatole Litvak, 1943-45.

[27] Frank Capra et Anatole Litvak (op.cit.).

[28] Op. cit.

[29] Solanas et Getino, 1969.

[30] Espinosa, 1969.

[31] Tomás Gutiérrez Alea, 1961. Ce film a souvent été attribué à tort à Santiago Álvarez (Alea, 2007).

[32] Le choc et les soubresauts provoqués par les tirs au canon rappellent une scène très proche dans un film antérieur, Muerte al invasor (1961) de Tomás Gutiérrez Alea.

[33] Selon les déclarations de Julio García Espinosa, plus de 30 ans après le tournage. Voir « Encuentro con realizadores de Tercer Mundo, Tercera Guerra Mundial », dans la revue en ligne Miradas. La rencontre réunissait à nouveau l’équipe du film : Julio García Espinosa, Iván Nápoles, Jerónimo Labrada, Miguel Torres, Luis Costales et Roberto Fernández Retamar. Texte publié sur Internet à l’adresse suivante : www.eictv.co.cu/ (dernière consultation : 12 avril 2009).

[34] Roldán, 2002. L’auteur nous apprend notamment que les théories de Debray inspirées de celles de Guevara suscitaient alors de vifs débats. Et, il revient sur la genèse du film dans ce livre de mémoires, évoque aussi quelques discussions avec Agnès Varda.

[35] Le documentaire L’âge d’or du cinéma cubain [Ramón Suárez, 2006], avec un scénario et un commentaire écrit par Emmanuel Vincenot, souligne la singularité de La Ausencia au sein du cinéma cubain.

[36] Le temps et la mémoire sont les moteurs de ce film qui montre notamment la manière dont un personnage retrouve progressivement la mémoire — avec difficulté — suite à un effort de volonté. Ce sont deux thématiques chères au cinéma d’Alain Resnais, dont Roldán apprécie les audaces en matière de montage (souvenons-nous de Muriel, 1963), et de l’œuvre de Chris Marker ; les séquences de La Ausencia en montage de photographies ou d’images arrêtées, sont directement inspirées de La jetée. Cependant, le film n’est pas une simple imitation de certains styles en vigueur dans les années 60.

[37] Le personnage de la militante, amoureuse du chirurgien cubain (joué par Eduardo Moure), a peut-être été inspiré par Michèle Firk, ancienne critique à Positif ayant soutenu le FLN en France, avant de se rendre ensuite à Cuba, puis au Guatemala — clandestinement cette fois, — où elle se suicidera juste avant d’être interpellée par la police. Michèle Firk a notamment écrit des articles sur le cinéma cubain, qu’elle connaissait très bien. La primera carga al machete, film cubain de Manuel Octavio Gómez, (1969), est dédié à Michèle Firk.

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